La stratégie commerciale européenne est à replacer dans le cadre plus large de la politique économique de l’UE. « Stratégie de Lisbonne » et « Europe 2020 » constituent les deux mamelles de cette politique. Voyons en quoi consiste la stratégie commerciale, dans quelle mesure celle-ci peut être liée avec les deux stratégies précitées et quels en sont les principaux bénéficiaires.

La stratégie de Lisbonne [1] présentée en 2000 par le Conseil européen fixait le cadre de la politique économique de l’Union. Cette stratégie visait à « faire de l’UE l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale » à l’horizon 2010.

En 2005, un constat d’échec est dressé lors de la révision périodique de la stratégie de Lisbonne. Prenant acte du fait que les objectifs fixés en 2000 ne seraient pas atteints à l’échéance de 2010 (croissance annuelle de 3%, 3% du PIB consacré à la R&D, 70% de taux d’emploi global de la population…), la stratégie est réorientée : la compétitivité et l’emploi deviennent les priorités affichées de l’UE.

La stratégie « révisée » à mi-parcours se concentre dès lors sur « la croissance économique et la compétitivité des entreprises dans une économie mondialisée ». De nouveaux objectifs sont fixés, sans échéances précises cette fois-ci :

  • rendre l’UE plus attrayante pour les investisseurs et les travailleurs en développant le marché intérieur,
  • encourager la connaissance et l’innovation en améliorant l’investissement dans la recherche et le développement, créer des emplois plus nombreux et de meilleures qualités.

Pour cela, la Commission propose notamment de « moderniser » les systèmes de protection sociale « afin de créer un meilleur équilibre entre sécurité et flexibilité » ou encore d’ « accroître la flexibilité des marchés du travail pour aider l’Europe à s’adapter aux restructurations et à l’évolution des marchés » [2]. Notons que la crise de 2008 n’était pas encore survenue ; pourtant des politiques d’austérité budgétaires visant à réduire les dépenses sociales étaient déjà encouragées, au motif de la compétitivité.

C’est donc un programme résolument libéral, concentré sur la capacité d’exportation des entreprises qui va être soumis aux Européens en 2005. Et pour rendre les entreprises « compétitives », il s’agira de jouer sur les salaires, la flexibilité des travailleurs et la baisse des cotisations sociales [3]. Ainsi, le secteur privé pourra créer des emplois. Mais une « Europe compétitive » sous-entend un cadre commercial adapté.

 Compétitivité et libre-échange

En appui à la stratégie de Lisbonne, la Commission européenne par l’intermédiaire de son commissaire au commerce (de 2004 à 2008), le britannique Mendelson, décrivait en 2006 sa stratégie, pour ce qui est du « volet extérieur » des politiques de l’Union, dans le document « Une Europe compétitive dans une économie mondialisée » [4], « Global Europe » dans sa version anglaise.

La priorité de la Commission sur le plan commercial est simple : « rechercher un accord multilatéral ambitieux » à l’OMC, dans le cadre des rounds de négociations de Doha [5]. Cette stratégie peut facilement se comprendre en lien avec celle décrite plus haut : permettre aux entreprises exportatrices un meilleur accès aux marchés étrangers, à moindre coût afin, ce qui aura in fine, selon la Commission, un effet positif sur l’emploi en Europe.

Le raisonnement dressé par le commissaire européen est le suivant : la croissance économique provient essentiellement de l’extérieur de l’UE. Afin de tirer parti de cette croissance - dans des domaines comme les services notamment, pour lesquels les entreprises européennes sont dominantes au niveau mondial – l’objectif central de la politique commerciale est de développer les échanges avec le reste du monde. La stratégie commerciale peut être résumée à cette phrase tirée de « Global Europe » : « Notre prospérité dépend des échanges ».

Afin d’atteindre les objectifs du traité de Lisbonne, le commissaire Mendelson évoque deux exigences :

  • Premièrement, mener des politiques internes « qui tiennent compte du défi concurrentiel extérieur », c’est-à-dire mettre en œuvre au sein de l’UE des politiques en faveur des entreprises pour les rendre « compétitives » à l’international (réduire les « coûts » du travail par des baisses de cotisations sociales et des politiques de modérations salariales… [6]).
  • La seconde exigence est de s’assurer que les marchés du reste du monde soient ouverts aux investissements et aux entreprises européennes. Cela pour trois raisons : (i) ouvrir des marchés aux exportations industrielles et agricoles de l’UE (ii) accéder aux ressources naturelles indispensables à l’économie européenne (énergie, minerais…), (iii) développer de nouveaux secteurs de croissance (services, investissements, marchés publics…)

À en croire la Commission, le commerce serait un préalable à la production industrielle et à la croissance : c’est parce qu’on échange que l’on va pouvoir produire plus. Une position théoriquement et empiriquement discutable (voir encadré).

Ouverture commerciale et croissance économique

Les liens entre l’ouverture commerciale et la croissance économique ont suscité de nombreux débats parmi les économistes. Entre la fin des années 1970 et la fin des années 1980, l’essentiel des études empiriques conclut à l’existence d’un lien causal positif entre les deux. Comme conséquence logique, les recommandations politiques incitent à l’ouverture commerciale [7].

Mais ces politiques vont progressivement être contestées à la fin des années 1990, notamment pour leurs effets sur les pays en développement. Les mouvements altermondialistes se développent alors, remettant en cause le consensus de Washington et les projets de l’OMC.

Les études conduites dans les années 1970 et 1980 vont également être contestées sur leur méthodologie et la robustesse des indicateurs proposés. D’autres travaux, comme ceux menés depuis les années 1970 par l’historien de l’économie Paul Bairoch, qui épluche des décennies de données commerciales depuis le XIXe siècle, arrivent également à une conclusion différente. C’est la croissance qui engendre la progression du commerce et pas l’inverse : c’est parce qu’on produit plus qu’on va échanger plus. La CNUCED expliquera en 2004 que les PMA étaient « les pays qui se sont le plus modérément ouvert qui ont connu les meilleures performances ». [8]

Les arguments théoriques mis en avant par le courant libéral prétendent que l’ouverture crée une concurrence plus forte qui a pour conséquence la recherche des gains de productivité, l’innovation, etc. (approche ricardienne) et donc de meilleurs résultats en termes de croissance et d’emploi.

Hors des controverses théoriques, une série de facteurs entre en ligne de compte - comme la taille de l’économie (en termes de population), sa structure (orientée vers le secteur primaire, l’industrie ou les services), les revenus par tête, la localisation géographique (accès à la mer, insularité…), le niveau d’éducation par exemple - afin de déterminer l’intérêt de l’ouverture commerciale

La relation entre commerce et croissance ne semble donc pas mesurable si facilement. Les opposants au libre-échange ne prônent pas l’autarcie. Le protectionnisme est plutôt envisagé comme un phénomène graduel. Les partisans du protectionnisme mettent d’ailleurs en avant sa nécessité pour des industries naissantes ou certains secteurs clés comme l’agriculture. À l’inverse, l’ouverture n’est pas gage absolu d’une croissance supérieure. Elle ne profite en fait généralement qu’à certains secteurs de l’économie ou à certains types d’entreprises tandis que d’autres se retrouvent perdants.

La position européenne du libre-échangiste tous azimuts pose donc question. La volonté de conclure des accords de libre-échange avec des pays en développement sera donc généralement plus profitable à l’UE et à ses entreprises qu’à ses partenaires commerciaux. Ce qui semble contradictoire avec les déclarations de bonne intention sur le développement durable, inclusif ou la solidarité internationale.

Pour les accords avec des pays industrialisés, il faudra prendre chaque secteur séparément pour y voir les avantages et les inconvénients. Dans ce cas, c’est le caractère non transparent, ne faisant l’objet d’aucun débat public digne de ce nom qui semble le plus dérangeant. Les politiques qui découlent du parti pris selon lequel le libre-échange est le plus profitable sont celles de la compétitivité, de la mise en concurrence des travailleurs et de l’austérité. Ces dernières n’ont pas n’ont plus fait l’objet d’un consensus démocratique, le cas grec et le reniement du résultat du référendum sur le sujet en sont l’illustration la plus frappante. (R.G.)

 Europe 2020 : Lisbonne bis

Faisant suite à la stratégie de Lisbonne, la stratégie Europe 2020 était lancée en 2010 : resucée de la première qui n’avait pourtant pas engendré d’effets positifs pour l’économie européenne ni atteint les objectifs fixés.

La crise de 2008 était passée et la croyance en un retour rapide de la croissance dissipée. Du point de vue de la Commission et du Conseil européen, l’échec de la stratégie de Lisbonne est imputable à la crise et au fait que les mesures n‘ont pas été menées à bien dans les différents Etats membres. L’objectif de la compétitivité et de l’ouverture effrénée des marchés pouvait donc être remis sur la table.

Aussi, le commissaire européen au commerce, le Belge Karel De Gucht (2009-2014) persévéra sur la même voie que ses prédécesseurs. Avec un argument supplémentaire cette fois : celui de l’intérêt d’un commerce ouvert pour les consommateurs afin d’« accéder à une gamme plus vaste de produits à moindre prix » [9]. La compétitivité et l’ouverture commerciale sont toujours les solutions portées pour parvenir à la croissance et l’emploi.

Les recettes préconisées sont les mêmes : bénéficier de la croissance des émergents en augmentant les exportations des entreprises européennes, garantir l’accès aux ressources naturelles et matières premières et s’atteler à faire tomber les barrières commerciales persistantes (sur les droits de propriété intellectuelle (DPI), les marchés publics, les services et les investissements).

Le message est limpide et peut se résumer en ces quelques phrases tirées de la stratégie du commissaire De Gucht : « La moitié du commerce mondial s’effectue aujourd’hui entre les filiales de sociétés multinationales qui commercialisent des biens et des services intermédiaires. […] Afin de mieux répondre aux besoins des investisseurs de tous les États membres, le but sera d’intégrer la protection et la libéralisation des investissements dans les négociations commerciales en cours. » Tout cela, rappelle la Commission, en encourageant les partenaires commerciaux de l’UE à s’engager dans le respect des droits de l’Homme, du travail et des standards environnementaux afin de « mutuellement renforcer » les politiques extérieures et commerciales de l’UE précise le commissaire au commerce.

 « Trade for all »

La nouvelle stratégie commerciale européenne présentée en octobre 2015 et portée par la commissaire au commerce, la Suédoise Cecilia Malmström [10] s’intitule « Trade for all », « Le commerce pour tous. Vers une politique de commerce et d’investissement plus responsable ». Derrière ce titre, la nécessité de répondre aux critiques qui visent la politique commerciale européenne et en particulier les accords négociés avec les États-Unis et le Canada, qui ne recueillent pas l’assentiment de l’opinion publique européenne.

La forme du document diffère légèrement de ce qu’on avait pu voir précédemment. L’attachement aux valeurs européennes, qui fondent la politique commerciale et d’investissement de l’UE, y est largement mise en avant, de même que la transparence [11]. La Commission renonce au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE ou ISDS en anglais) pour en faire revenir un autre par la fenêtre : celui du système juridictionnel pour les investissements (ICS, Investment court system). Un mécanisme légèrement différent de celui du RDIE puisqu’il inclut une Cour internationale des investissements. La crainte principale liée au RDIE n’est pas pour autant levée : le nouveau mécanisme permettra toujours aux investisseurs de poursuivre des États si une de leur politique venait à entrer en contradiction avec leurs activités.

Outre ces éléments de langage et la volonté non dissimulée de rassurer une opinion publique européenne de plus en plus réticente à la poursuite de ces accords [12], nous retrouvons la même logique que celle promue par les commissaires précédents.

Une évolution remarquable tient à la teneur des accords négociés. Les accords de nouvelle génération [13] vont en effet plus loin que les simples discussions tarifaires : la sécurisation des droits de propriété intellectuelle, les services, les matières premières, la protection des investissements, les marchés publics (transports, communication, dispositifs médicaux, produits pharmaceutiques) font désormais partie des discussions.

Le discours habituel sur les bienfaits de l’ouverture commerciale apparait rapidement : 30 millions d’emplois sont soutenus par les exportations hors de l’UE, soit 1 emploi sur 7 affirme la Commission [14]. Le commerce est donc la voie à suivre.

Le commerce des services est également mis en avant : pour la Commission, ceux-ci représentent 70% du PIB et de l’emploi dans l’UE. Ils ne font pas l’objet d’échanges dans des volumes du niveau de ceux observés pour les marchandises et mériteraient de ce fait d’être encouragés, tant à l’exportation qu’à l’importation. Les investissements directs étrangers (IDE) en UE sont promus, afin de développer l’implantation de nouveaux services.

Enfin, l’argument du bien-être des consommateurs est également repris ; de manière quelque peu déroutante. En recherchant les occurrences du terme « consommateur » dans la communication de Mme Malmström, on en trouve plus de 28. Les bienfaits de l’ouverture commerciale pour le consommateur s’expliqueraient par la baisse des prix qui pourra résulter de l’importation de marchandises à bas coût. Le problème réside plutôt dans la représentation que la Commission se fait de la population européenne. Lorsque l’on recherche les termes de citoyens ou de travailleurs, on ne retrouve respectivement que 11 et 9 occurrences. « Entreprise » apparait quant à lui 55 fois ! Cela en dit long sur les priorités de la Commission, sur la considération qu’elle a des citoyens et travailleurs européens et les objectifs premiers recherchés par sa politique.

La commissaire Malmström exprime ensuite les priorités de sa stratégie :

  • fixer des objectifs ambitieux avec la Chine ;
  • solliciter un mandat pour entamer les négociations sur un accord de libre-échange avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande ;
  • lancer de nouvelles négociations d’accords de libre-échange dans le cadre de l’ANASE avec les Philippines et l’Indonésie, au moment opportun.

Il s’agit ici de nouer des accords ou d’entamer des négociations avec les dernières régions ne l’ayant pas fait. L’Afrique, les pays en développement et émergents sont dans le viseur : ACP, Turquie, Mexique, Chili en premier lieu (voir le panorama des accords commerciaux européen dans ce numéro).

 Quelles entreprises exportent ?

Si le développement du commerce et des exportations est promu par l’UE, quelles sont les entreprises qui exportent le plus ? Une étude de 2011 [15] nous apportait quelques éléments de réponse. Près de 70% des entreprises qui exportent hors UE sont des petites entreprises (de moins de 49 salariés). Un tel poids des PME dans le total des exportations semble en effet étonnant. Il faut d’abord savoir que les PME représentent la grande majorité des entreprises : 98% dans l’UE contre seulement 0,2% pour les entreprises de grande taille (plus de 250 salariés).

Mais lorsque l’on se penche sur la valeur ajoutée, les 0,2% de grandes entreprises monopolisent 40% de la valeur ajoutée créée. Il en va de même pour les exportations. Les 98% de PME représentent environ 70% des entreprises exportatrices, mais à peine moins de 20% de la valeur des biens et services exportés. Les grandes entreprises qui ne représentent que 0,2% du total des entreprises en Europe comptent pour plus de 50% de la valeur des exportations (en réalité probablement plus du fait de statistiques incomplètes). Une part que l’on retrouve dans de nombreux pays européens à l’exception de l’Allemagne qui dispose d’un tissu de PME exportatrices plus fourni que le reste de ses voisins européens. Une autre statistique vient confirmer ce constat : 10% des entreprises européennes représentent 70 à 80% du volume des exportations [16].

 Secteurs (& pays) prioritaires ?

Au regard des stratégies proposées depuis les années 2000 et de la démographie des entreprises, il semble que les grandes entreprises soient les gagnantes de cette ouverture commerciale. Voyons si cet argument tient toujours la route au regard des secteurs mis en avant et des pays représentés par ces productions et services.

Les secteurs d’activité prioritairement promus par la Commission – ceux pour lesquels l’Europe, et les multinationales européennes détiennent une position dominante – sont le secteur agricole [17] et agro-alimentaire, celui des marchés publics (qui représentent 15 à 20% du PIB mondial) avec l’importance des infrastructures, les dispositifs médicaux et produits pharmaceutiques et enfin le secteur des services qui inclut les transports, la logistique, les assurances et services financiers, les télécommunications ou la gestion de l’eau, des réseaux électriques, des déchets... Essentiellement des secteurs oligopolistiques dominés par quelques entreprises transnationales

Les grandes entreprises du secteur agricole et agro-alimentaire seraient en effet parmi les premiers bénéficiaires d’une ouverture commerciale accrue. Et la Commission de préciser qu’avec la Politique agricole commune (PAC) le secteur verra sa compétitivité croître et les débouchés se créer. Il a déjà été mis en lumière que la PAC pousse à l’agrandissement des surfaces cultivées et à une agriculture intensive et à la disparition des petites exploitations [18].

Le TTIP [19] intéresse par exemple tout particulièrement les agro-industriels des produits laitiers qui ont un accès encore restreint au marché américain.

Ce sont les mêmes secteurs que l’on retrouve parmi les principales exportations européennes [20], auxquels on pourrait ajouter les machines-outils et les produits chimiques. Pour ce qui est des marchés publics (eau, électricité, gaz, BTP…), les grandes entreprises ne sont pas en reste, de même dans le cas de l’industrie pharmaceutique, des transports ou encore des services financiers. Les poids lourds de l’UE que sont l’Allemagne, le Royaume- Uni et la France voient leurs entreprises bien représentées et on retrouve ici assez clairement pour chaque secteur les intérêts des multinationales européennes telles Vinci, Véolia, Eiffage, EDF, EON, RWE, Bolloré, Nestlé, Danone, Airbus, HSBC, Deutsch Bank, Barclays, Axa, Allianz, Generali, GlaxoSmithKline, Sanofi, Bayer, Bosch Thyssen-Kruipp … pour n’en citer que quelques-unes. Celles-ci verraient d’un bon très bon œil l’ouverture commerciale, le meilleur accès aux marchés publics, une protection garantie de leurs investissements et des mécanismes de règlements des litiges sur tous les territoires où elles opèrent.

La politique commerciale de l’UE est un élément primordial de la diplomatie économique européenne. Elle vise prioritairement la libéralisation des échanges et la suppression des barrières (tarifaires ou non) aux échanges, d’abord par la voie multilatérale au sein de l’OMC, mais également de manière bilatérale en négociant des accords avec des pays ou groupes de pays.

Une politique à replacer dans la stratégie Europe 2020 qui a pour ambition de faire de l’UE la région la plus compétitive au monde. La compétitivité prônée devant se réaliser à la fois par des politiques internes (austérité, flexibilité, réduction des coûts du travail…) et par l’assurance de marchés ouverts (négociations commerciales).

Au regard des secteurs prioritaires dans la politique commerciale et du profil des entreprises exportatrices – essentiellement des multinationales -, le citoyen européen est en droit de se demander où se trouve son intérêt dans de telles politiques. De même, un certain nombre de valeurs portées par l’UE sont rappelées, malgré leur apparente contradiction avec les politiques menées [21] . Les négociations avec des PMA et PED semblent tout à fait déséquilibrées tant la structure des économies considérées diffère. L’agriculture et les industries naissantes seront les grands perdants de ces accords qui visent pourtant le développement durable de ces régions. Étant donné les éléments précédemment exposés, il est tentant de considérer la politique commerciale européenne comme d’abord conçue dans l’intérêt des sociétés transnationales, puis dans celui du consommateur.

En revanche, le travailleur (qui risque de voir ses conditions de travail se dégrader au nom de la flexibilité et de la compétitivité), le citoyen (qui risque de voir son accès aux services publics et à des systèmes de protection sociale performants se ternir) et les pays en développement semblent être les catégories lésées par cette politique.

Les principaux postes d’exportations et d’importation européens
(selon la nomenclature douanière harmonisée
 [22]).

 


Pour citer cet article :

Romain Gelin, « À qui profite la stratégie commerciale européenne ? », Gresea, décembre 2016, texte disponible à l’adresse :
http://www.gresea.be/spip.php?article1562



P.-S.

Article extrait du Gresea échos 86, juin 2016 : « L’Europe (néo)mercantile : la diplomatie économique de l’UE dévoilée »

Notes

[1Lire H.Houben (2010), La stratégie de Lisbonne : attention chute d’emploi, Gresea. http://www.gresea.be/spip.php?article24

[2Commission européenne, Un nouvel élan pour la stratégie de Lisbonne (2005), http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=URISERV:c11325&from=FR

[3Qui équivaut à la baisse des recettes publiques (pour le financement de la protection sociale notamment) et à la hausse de l’endettement

[4COM(2006) 567 Final « Global Europe : competing in the world »

[5Le cycle de Doha est le 9e cycle de négociations commerciales depuis la seconde guerre mondiale, le premier depuis la création de l‘OMC en 1995. Le cycle, débuté en 2001, devait initialement durer trois ans et aboutir à un accord sur la libéralisation des échanges, l’agriculture ou encore les droits de propriété intellectuels. Les négociations n’ont guère évolué depuis lors.

[6Lire H.Houben, (2014), La compétitivité, Késako ? Gresea, http://www.gresea.be/spip.php?article1248 et B.Bauraind (2013), Sortir du carcan compétitif, Gresea, http://www.gresea.be/spip.php?article1163

[7Blancheton, B., « Ouverture commerciale, croissance et développement : malentendus et ambiguïté des débats. », 2004

[8Ibid.

[9COM(2010) 612 Final « Trade Growth and World Affairs »

[10COM (2015) 497 Final « Trade for all. Towards a more responsible trade and investment policy. »

[11Alors que les négociations pour la plupart des accords commerciaux sont jalousement gardées secrètes

[12La Commission va même jusqu’à promouvoir le « commerce équitable » dans ce document. Pour la Commission, le libre échange est la forme la plus aboutie du commerce. Chaque agent est libre d’acheter et vendre à sa guise sur le marché, le commerce est ainsi loyal et équitable. Il ne s’agit évidemment pas du mécanisme visant à assurer des revenus décents aux agriculteurs du sud, mais bien de libre-échange.

[13Voir dans le dernier article l’accord avec la Corée du Sud ainsi que celui avec Singapour p. 46.

[14« répartis dans tous les États membres de l’UE et […] liés directement ou indirectement aux exportations en dehors de l’UE. Ainsi, 200 000 emplois en Pologne, 140 000 en Italie et 130 000 au Royaume-Uni dépendent des exportations allemandes à l’extérieur de l’UE. Les exportations françaises en dehors de l’UE soutiennent 150 000 emplois en Allemagne, 50 000 en Espagne et 30 000 en Belgique. » COM (2015) 497 Final, op.cit.

[15« Les entreprises européennes exportant hors UE présentent de nombreux points communs », Etudes et éclairages n°27, Décembre 2011. http://lekiosque.finances.gouv.fr/fichiers/Etudes/tableaux/ee_27.pdf

[16Commission européenne, COM(2014) 14 final « Pour une renaissance industrielle européenne », http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52014DC0014

[17La commission d’ajouter qu’avec la Politique Agricole Commune (PAC) le secteur verra sa compétitivité croître et les débouchés se créer. Les manifestations du monde agricole de l’année écoulée semblent plutôt aller dans un sens opposé.

[18Lire par exemple l’article paru sur multinationales.org : http://multinationales.org/Concentration-fonciere-en-Europe ou encore l’infographie réalisée par TNI en 2014 : https://www.tni.org/en/node/16005

[19“Transatlantic trade and investment partnership” ou Traité transatlantique sur le commerce et l’investissement en français. Qui désigne l’accord commercial en cours de négociation entre l’UE et les États-Unis

[20Voir tableau p. 25 et voir le bilan de la politique commerciale européenne dans le dernier article de ce numéro, p.50

[21Voir, dans ce numéro, le texte de G.Karlshausen p.14