Le budget des soins de santé au niveau fédéral représente une enveloppe de 26,4 milliards en 2019. Branche de la sécurité sociale, il est cogéré par les partenaires sociaux, les mutualités, les prestataires de soins et le gouvernement, dans un système basé sur le principe de la concertation sociale. Exercice annuel, l’établissement du budget des soins de santé traduit les grandes orientations des politiques menées et la vision défendue pour notre système de santé.

Dans cet article, nous synthétisons les principales tendances observées dans le budget des soins de santé ces 15 dernières années en nous attardant davantage sur la dernière législature. Nous explicitons les deux lignes de forces majeures des choix politiques pris : premièrement, l’évolution du budget (section 1) marqué par un affaiblissement de sa croissance (section 1.1), de fortes mesures d’économie à partir de 2012 (section 1.2) et une privatisation accrue des soins (section 1.3). Deuxièmement, l’affaiblissement des acteurs sociaux et du modèle de concertation au profit du gouvernement et des arbitrages politiques à partir de 2015 (section 2) avec l’imposition d’un cadre budgétaire et règlementaire de plus en plus serré (section 2.1) et l’influence de plus en plus forte du gouvernement sur le processus d’élaboration du budget (section 2.2). Enfin, ce sont aussi des questions d’organisation et de fonctionnement des soins de santé qui vont déterminer la qualité et l’accessibilité de notre système de santé. Dans la section 3, nous détaillons certaines caractéristiques du budget des soins de santé qui entravent la mise en œuvre d’une bonne politique de santé (section 3.1) et nous revenons sur l’organisation de deux secteurs clés : les hôpitaux et les médicaments (section 3.2).

1. Introduction

En Belgique, les soins de santé sont un secteur particulièrement important de notre économie. Les dépenses totales de santé, équivalentes à 45,4 milliards en 2017, représentent un peu plus de 10,3% du produit intérieur brut (PIB). Cela situe la Belgique dans la moyenne européenne [1].

Une grande partie de ces dépenses repose sur le financement public (76%). Les soins de santé représentent 33% de l’ensemble des dépenses de notre sécurité sociale [2]. Cette dernière s’est consolidée après la seconde guerre mondiale avec pour objectifs d’assurer la paix sociale, de protéger les travailleurs et de mieux répartir la valeur ajoutée créée dans notre économie. Garantie par l’Etat social, elle est bâtie sur un principe fondamental de solidarité : chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. La redistribution des richesses se fait donc en amont (au niveau du financement via les cotisations sociales et autres impôts) tandis que les individus bénéficient de la même couverture en aval. Ce premier pilier du financement vise à offrir à tous les belges des soins de qualité et accessibles. Il est cogéré par les partenaires sociaux (employeurs et travailleurs), les mutualités, les prestataires de soins et le gouvernement, dans un système institutionnalisé dit de gestion paritaire et basé sur le principe de la concertation.

Outre le financement public, 24 % du financement est supporté par le patient - 19% par des paiements directs et 5% en assurances complémentaires (tant de la part des mutualités que des compagnies d’assurances privées). C’est plus que dans nos pays voisins (voir Tableau 1). Cela entraine des problèmes de report de soins : l’Enquête de Santé (2018) révèle que 15% des ménages belges éprouvent de sérieuses difficultés à supporter les dépenses directes de santé (au niveau du quintile des revenus les plus faibles et les plus élevés, ce niveau s’élève respectivement à 28% et 6%). Les inégalités sociales de santé sont élevées en Belgique : l’écart entre les besoins en soins médicaux non satisfaits des plus pauvres et des plus riches est le plus important de tous les pays occidentaux de l’UE [3].


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Pour citer cet article :
Louise Lambert, « Le budget des soins de santé en perspective historique. Vers un effritement de notre modèle social ? », MC-Informations - Analyses et points de vue
Périodique trimestriel de l’Alliance nationale des Mutualités chrétiennes
, septembre 2020.

Photo : Mobilisation au CHU Brugmann pour exiger le blocage des prix et l’augmentation des salaires !, Krasnyi Collective - Dominique Botte

Notes

[1Allemagne : 11,2%, France : 11,3% et Pays-Bas :10,1%. Source : OCDE.

[2Source : Comité de Gestion de la Sécurité Sociale – sécurité sociale des travailleurs salariés uniquement.

[3Commission européenne (2019) Country Report Belgium 2019. European Semester. Brussels.