La crise économique, culturelle, sociale et politique en Europe, en particulier dans le Sud, est devenue plus agressive et violente. La majorité de la population voit progressivement ses droits sociaux de base se réduire. Ce nouveau modèle social, qui, jusqu’à l’arrivée de la crise de 2008, avait surtout touché les travailleurs migrants, notamment non-européens, menace maintenant, par son caractère général, pratiquement tous les citoyens.
La dialectique entre capital et travail semble avoir abouti à une intervention publique forte qui met l’accent sur l’idée que la croissance économique va créer, en soi, un maximum de bien-être social individuel. Ainsi, et en particulier en Espagne, nous assistons à un démantèlement progressif de l’État social pour renforcer les mécanismes permettant aux entreprises de dégager des bénéfices. Ce changement de modèle, comme disent les décideurs, débouchera sur une société caractérisée par le fait que seul le secteur privé sera à l’origine du bien-être. Tout cela dans le cadre de la crise actuelle et après avoir atteint des niveaux considérés comme raisonnables de réduction du déficit public.
Dans le contexte particulier de l’Espagne, l’accroissement des inégalités de revenu et de patrimoine, l’extension de la précarité dans le travail et la vie, du chômage, de la pauvreté et de l’exclusion [1] , l’augmentation du clientélisme et de la corruption, devenus des éléments structurels du système de gouvernement [2], etc.,
sont à l’origine d’une frustration sociale importante et d’une insatisfaction à l’égard de la démocratie [3]. Cela se traduit par un état permanent d’indignation de la population, principalement depuis 2011 et l’émergence du mouvement dit des Indignés. De manière continue, parfois intermittente, les mobilisations sociales se succèdent, exprimant pour une part le mécontentement et la colère devant les postulats néolibéraux présentés comme seule sortie de la crise, alors qu’ils sont à l’origine de la débâcle socio-professionnelle vécue dans le quotidien. Par ailleurs, les réactions des citoyens montrent une crise de la représentation des organisations politiques et des syndicats, que ceux-ci s’efforcent de corriger. Mais cette crise de confiance se manifeste par la désaffection à l’égard des institutions et des acteurs sociaux traditionnels, alors même qu’il y a des mobilisations sectorielles de la classe ouvrière, d’origine, de contenu et avec des objectifs très divers [4].
Dans ce contexte social, devant la crise du travail salarié et la série de réformes des lois du travail renforçant la précarité de l’emploi [5], rendre compte des difficultés que traverse le syndicalisme espagnol est un exercice intellectuel et politique à risques [6]. Nous devons tenir compte de la grande diversité des opinions et perceptions sur la question. Deux questions très importantes et étroitement liées se posent. La première, c’est la relation du syndicalisme de classe avec les salariés et la perception sociale des syndicats aujourd’hui en Espagne ; la deuxième, c’est la mise au point d’une stratégie médiatique ciblée sur les syndicats [7] et qui les culpabilise en les présentant comme un des principaux obstacles au progrès économique et social.
Comme le montrent différents sondages d’opinion et enquêtes sociologiques, la perception des syndicats en Espagne peut se résumer dans l’expression « nécessaires mais inefficaces » [8]. Les données montrent que, comme c’est le cas pour toutes les institutions, la confiance du public dans les syndicats a chuté de 18 points depuis 1996 [9]. Par exemple, jusqu’à 40% de la population en viennent à croire que les syndicats sont responsables du niveau de chômage extraordinaire et inadmissible (26.03% au quatrième trimestre de 2013) [10]. Plusieurs facteurs se cumulent pour produire un telle défiance. Parmi eux, la campagne médiatique de dénigrement des syndicats et la stratégie de recours aux tribunaux pour faire obstacle à leurs principaux moyens d’action (grève et négociation collective), ainsi que la disparition du travail salarié stable. Il faut ajouter des questions comme l’application des conventions collectives à tous les travailleurs, syndiqués ou non, ce qui brouille l’importance de l’action syndicale. De même, on ne peut pas omettre de signaler certaines pratiques qui, bien qu’isolées, placent le syndicalisme dans une zone « grise » pour l’opinion publique, habilement mise en exergue par les médias [11].
Dans la suite de cet article, nous essayerons de donner un aperçu du paysage syndical espagnol, en tenant compte de ce qui est évoqué plus haut. Nous allons présenter une brève analyse des campagnes de dénigrement politique menées par la droite espagnole, qui visent à légitimer des réformes clairement anti-syndicales.
Nous chercherons à contextualiser l’activité syndicale, en lien avec les réformes incessantes qui visent à la soumettre et à analyser les problèmes, passés et présents, qui sont à l’origine d’un sentiment de rupture entre les représentants et les sujets représentés.
Nous insistons donc sur le caractère nécessairement inachevé et ouvert de ce travail, car l’évolution du présent et de l’avenir des syndicats espagnols ressemblent à ces films dont la fin constitue un point de départ.
La politique de crise des autorités espagnoles
Dans la gestion de la crise qui a commencé en 2008 par les institutions gouvernementales espagnoles, on peut distinguer deux périodes. Au cours de la première, la préoccupation fondamentale était la bataille contre la crise de l’emploi qui s’est manifestée avec acuité par la destruction généralisée de postes de travail, avec un accent particulier sur le secteur de la construction et les secteurs dépendant de l’immobilier. Le dialogue social, incluant la modération salariale, l’extension de la couverture sociale aux chômeurs et les incitations à des contrats de travail stables constituaient le centre de l’activité du syndicalisme espagnol et des pouvoirs publics entre 2009 et le mois de mai 2010. Devant le processus permanent de destruction d’emplois et la perte de confiance des marchés financiers dans la solvabilité de l’État espagnol, il y a eu un virage très fort qui a coïncidé avec le début de la crise grecque.
À partir de mai 2010, les mesures économiques prises en Espagne ont convergé vers la réduction du déficit, considéré comme le seul moyen de sortir de la récession.
Cette tendance a connu un pic en septembre 2011, avec la réforme de l’article 135 de la Constitution pour imposer le principe de l’adaptation des dépenses publiques aux limites de la dette publique prévue dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne [12].
En accord avec les propositions soutenues par la Commission européenne et les institutions de régulation de marchés financiers, comme la BCE et le FMI, les mesures économiques pour réduire le déficit public ont été accompagnées de « réformes structurelles » dans le domaine des relations de travail, du système de sécurité sociale et de la négociation collective, dans le but explicite de créer et/ou maintenir l’emploi. En d’autres termes, alors que l’intervention de l’État a eu tendance à réduire le déficit public, les perspectives en matière d’emploi ont été chiffrées en reformulant la régulation des relations de travail et des mécanismes de protection sociale. Et cela selon deux grands axes d’intervention.
Le premier a trait à la nature présentée comme « inévitable » des mesures d’austérité et de la réduction du déficit budgétaire, comme seule voie de sortie de la crise et donc de reprise économique. Ainsi ont été préconisés le changement du modèle de production et les réformes nécessaires dans l’entreprise pour renforcer une activité économique qui, au cours des dernières décennies, a été basée presque exclusivement sur le secteur de l’immobilier, avec une spirale spéculative et la hausse du prix du logement résidentiel. Cette déresponsabilisation des agents économiques et des entreprises, par l’imposition de politiques visant à réduire les dépenses publiques, a récemment été critiquée à la lumière de ses effets dépressifs dans l’économie dite réelle [13].
Le deuxième axe est étroitement lié aux réformes introduites dans les relations de travail, guidées par le principe discutable selon lequel on ne peut créer ou maintenir l’emploi qu’en diminuant les droits des salariés à travers la réduction des salaires et la détérioration des conditions de travail, établissant ainsi une opposition entre création d’emplois et solidité des droits des travailleurs. Aucune preuve empirique, dans la crise actuelle, ni dans les précédentes comme celles des années 1980 et 1990 du siècle dernier, ne vient étayer cette position, qui n’est pas nouvelle dans l’expérience espagnole. Pourtant, la période 2010-2013 a connu un processus de réforme de grande intensité, à la fois quantitativement et qualitativement, le droit du travail étant dénoncé comme principal facteur de rigidité et, par conséquent, de destruction d’emplois.
Le résultat est que nous assistons aujourd’hui en Espagne à une régression de grande envergure dans la distribution et la répartition de la richesse [14], directement liée à la situation de chômage, à la réduction des dépenses sociales et à la contraction à laquelle sont soumis les services publics, alors que depuis le début des années 80 du vingtième siècle jusqu’à 2008, l’Espagne avait rattrapé une partie de son retard par rapport aux pays de l’OCDE.
Réformes du travail, crise du travail décent et rupture du dialogue social
Les réformes du travail en Espagne ont suivi un processus long, pas toujours linéaire, avec des séquences de conflit social ouvert, et de ruptures de ce fait de tout espace de collaboration et de dialogue, et des moments de négociation et même d’accords comme ceux de janvier et février 2011, qui ont été suivis par les négociations sur la réforme de la négociation collective et la recherche de compromis pour terminer la renégociation des conventions collectives en 2010.
Ce processus peut être caractérisé au niveau général par la tendance déjà soulignée d’opposer création d’emplois et droits des travailleurs inscrits dans la loi et les conventions collectives. Il n’est donc pas lié à l’objectif européen de flexicurité, car dans cette hypothèse, la « flexibilité » maximum correspondrait à une augmentation de la « sécurité », ce que la réduction des dépenses publiques contredit. Donc, l’idée qui est derrière ces réformes, est que le maintien de l’emploi ou la réduction des
destructions d’emplois pourront être obtenus en réduisant ou en démantelant les droits des salariés ou en dégradant le système de garantie de l’emploi. Les syndicats espagnols, notamment les « syndicats les plus représentatifs » [15], ont critiqué cette approche, qui participe à l’érosion des modèles sociaux européens garantis par les Constitutions, comme c’est le cas en Espagne. Pour ces syndicats, la croissance, le développement et l’emploi doivent être accompagnés par la consolidation d’un système élargi de droits individuels et collectifs.
Cependant, il existe aussi une version corrigée de cette approche chez les syndicats
considérés les plus représentatifs, qui insiste sur le caractère temporaire de cet échange inégal et sur la possibilité de le contrôler. C’est-à-dire qui accepte une phase de restriction temporaire des droits en vigueur, à laquelle doivent participer les partenaires sociaux à travers des mécanismes de dialogue social tripartite. De ce point de vue, ces syndicats ne contesteraient pas l’élément central selon lequel la création d’emplois serait directement liée aux facilités de licenciement, au caractère unilatéral de la réorganisation productive et à la liberté dans le choix du type de contrat atypique à utiliser dans l’entreprise. Cela n’empêche pas ces syndicats de prétendre que ces mesures sont gérées de façon participative par les syndicats et les associations d’employeurs.
Dans le cadre de cette vision réformiste, le syndicalisme espagnol dont il est question ici a été instrumentalisé par le gouvernement socialiste puis par celui du Parti populaire. C’est ce que le pouvoir politique appelle le Dialogue social, moyen privilégié de réaliser les réformes du travail, avec deux recommandations pour les partenaires sociaux. Tout d’abord, vous devez parvenir à un accord au cours d’une période de temps donnée. La seconde : si vous n’arrivez pas à un accord, la réforme du travail sera mise en place par le gouvernement. Ainsi, les réformes se sont succédé de façon continue depuis le décret-loi royal 10/2010.
Ensuite, l’absence de volonté de parvenir à un accord a été évidente, notamment
pour la réforme du droit du travail en 2012 et de manière plus accusée encore, pour la
réforme des retraites en 2013. Cette dynamique, partagée par le gouvernement
socialiste et celui du Parti populaire, a eu un impact négatif sur le rôle du syndicat
comme sujet collectif de représentation des intérêts des travailleurs.
Le syndicalisme espagnol a donc été contraint de veiller à sa capacité de mobilisation
– dont témoigne la grève générale en septembre 2011 – en même temps qu’à sa présence institutionnelle dans le dialogue social et la négociation collective.
Les conséquences des réformes anti-syndicales du travail
Un retour sur les trente dernières années de l’histoire de notre droit du travail montre que l’offensive anti-syndicale a commencé en 2010, avec la première réforme « dure » du gouvernement socialiste de Zapatero, et culminé en 2012/13, avec des conséquences extrêmement graves qui se manifestent aujourd’hui. Cependant, le terrain avait déjà été préparé dans les esprits, car l’insécurité et la précarité de l’emploi salarié ont sans aucun doute suscité une atomisation de la classe ouvrière, entraînant un affaiblissement du pouvoir syndical reflété dans la baisse de l’adhésion et la désaffection de l’opinion publique déjà signalée.
La précarité et les emplois temporaires qui ont été instaurés à coups de réformes
du marché du travail, principalement depuis 1984, ont été aggravés avec le paradigme de la flexibilité qui a émergé à partir de 1994 et atteint son plein effet avec la réforme de 2012. Celle-ci, en mettant l’accent sur la flexibilité, la raréfaction des conflits et l’affaiblissement des syndicats à travers une profonde dévaluation
salariale [16], sur des salaires de facto déjà en diminution, a limité la capacité collective de négocier le prix du travail [17]. En cela, cette réforme consacre le rôle de la négociation collective au sein de l’entreprise, qui devient le centre principal et quasi exclusif de décision dans les relations de travail, avec quatre objectifs principaux : d’abord, la facilitation des mécanismes pour l’adoption d’accords au niveau de l’entreprise dérogeant avec les conventions de branche ; en second lieu, et avec la même finalité, d’accorder la priorité absolue aux accords d’entreprise ; en troisième lieu, la prolongation des effets des conventions collectives après la fin de leur terme naturel de validité ; et, enfin, l’inclusion du salaire parmi les variables susceptibles de modifier substantiellement les conditions de travail au niveau de l’entreprise à l’initiative du patronat.
Parallèlement, la réforme du travail a accentué la flexibilité en facilitant les licenciements et en ouvrant la voie pour la liberté dans ce domaine pendant un an
(à travers le contrat de soutien aux entreprises), tout en précarisant divers accords
contractuels pour les jeunes ou le travail à temps partiel [18].
Défis à relever pour les syndicats
Dans un tel contexte, il faudrait une réflexion sur ce qui caractérise aujourd’hui la fonction de représentation des travailleurs. Cette réflexion suppose une analyse, d’un côté, du mode, du contenu et de l’exercice des garanties en matière de représentation. Et de l’autre, il est essentiel de réfléchir sur le sens et la portée des notions de lieu de travail et de travailleur. Nous nous arrêtons dans cet article sur le deuxième volet de cette réflexion, la représentation des salariés sur les lieux de travail.
Le concept de lieu de travail a été probablement l’une des questions les plus négligées dans les études sur le droit du travail espagnol, principalement en raison du chevauchement avec le droit commercial et la forme d’organisation des entreprises. Les transformations de l’entreprise fordiste, décomposée en une multitude d’unités, mais avec en même temps une concentration du pouvoir économique, constituent un défi pour le syndicat et pour la normalisation des relations de travail, en partie négligé par la littérature scientifique. Dans le même temps, la hausse continue du chômage,
qui touche actuellement à près de six millions de personnes en Espagne, est aussi
un défi majeur mais mal étudié.
Cette caractéristique semble avoir déteint également sur les (non-)réflexions
au sein des syndicats. Ils gardent une structure et une organisation sur les lieux de travail typiquement fordistes, où la représentation des travailleurs existe au sein de l’entreprise mais en dehors des liens d’interdépendance avec les autres entreprises associées dans un processus complet de production. En outre, la représentation des travailleurs est organisée en lien avec l’inscription de l’entreprise dans une branche particulière d’activité, en négligeant là aussi l’un des aspects les plus importants et
novateurs comme la réunion en un seul lieu de travail de différentes branches d’activité qui, par ailleurs, relèvent contractuellement d’entreprises différentes [19].
Par ailleurs, le sens et la portée de la notion de lieu de travail appellent une réflexion un peu plus profonde, liée aux transformations subjectives dans le processus de production. À cet égard, il faut mettre en évidence comment la représentation des travailleurs sur le lieu de travail implique un choix, inclusif et exclusif en même temps, des situations dans lesquelles la personne du travailleur doit être protégée par l’activité de la représentation syndicale. Le choix de la carrière professionnelle que retient le syndicalisme est celui pendant lequel le travailleur est inséré dans l’entreprise dans une logique strictement productiviste. Ce qui contraste fortement, non seulement avec les changements objectifs dans le processus de production,
mais, comme mentionné, avec la situation de chômage de masse qui existe en
Espagne.
Les carrières professionnelles actuelles, caractérisées par des passages répétés
de l’emploi au chômage et par la nature temporaire du lien des travailleurs avec l’entreprise, remettent en question un modèle de représentation des travailleurs qui ne concerne que les périodes où le travailleur est inséré dans la production de biens ou de services. Ou ce qui revient au même, l’absence de représentation des travailleurs au cours des phases où ils ne sont pas insérés dans le processus de production [20].
C’est l’un des plus grands défis pour la représentation des travailleurs et pour le
syndicat lui-même, parce que, finalement, c’est son rôle socio-politique qui est ici
en question. À cet égard, la représentation des travailleurs devrait adopter un ensemble de revendications plus riches et plus variées qui tienne compte des identités
sociales, même si l’expression sur le lieu de travail permet une relation étroite avec la personne du travailleur. Il faut noter que les travailleurs qui n’ont pas ou seulement des relations sporadiques avec le travail, avec des passages répétés entre emploi et chômage, peuvent difficilement participer à un dialogue avec les représentants des travailleurs dans le sens classique du terme.
La représentation des travailleurs sur les lieux de travail, outre le fait qu’elle constitue l’outil de base pour le développement de l’action syndicale dans l’entreprise, permet au syndicat de jouer un rôle de premier plan dans le processus de création, de mise en forme et de mise en œuvre des règles au sein de l’entreprise. Ce processus passe principalement par l’action collective et les conflits, la création d’une articulation entre la capacité de représentation, l’articulation de conflits et le recours à la justice à propos des relations professionnelles dans l’entreprise. Cette dialectique riche et intéressante entre représentation, conflits et création/interprétation des règles
n’épuise pas son potentiel dans l’espace de l’entreprise, elle tend à occuper une place plus ou moins déterminée, dans l’espace de la régulation sociale et juridique complexe des relations de travail, conduisant à développer la médiation entre les différents domaines de la création de la loi.
À notre avis, il est nécessaire de faire une analyse qui tienne compte de la variété et de la complexité de ce qu’on appelle la corrélation des forces pour, d’une part, la discussion des stratégies syndicales à une époque où les forces hégémoniques sur le plan politique et culturel font preuve d’une hostilité certaine à l’action syndicale. Et d’autre part, pour l’identification des différents domaines où il faut intervenir pour subvertir, ou tout au moins atténuer les effets de la pensée hégémonique.
Ce redimensionnement nécessaire de la représentation des travailleurs par les syndicats espagnols évoqué ici devient plus urgent, nous insistons sur ce point, au moment où les travailleurs quittent les lieux de travail en raison du chômage de masse et de longue durée dont souffre l’Espagne, mais aussi en raison de la perte du rôle socio-politique du travail, vecteur de l’accès la citoyenneté sociale, à travers son assimilation à l’emploi.
Sur la base de ce qui précède, il serait bon de rappeler la voie que le syndicalisme
devrait suivre, de notre point de vue, pour son activité. Pour ce faire, nous rappelons ce que disait Bruno Trentin il y a un certain temps déjà. « L’impossibilité [pour le syndicat], aujourd’hui, de contourner des questions fondamentales comme l’écologie, l’international, l’impact du mouvement des femmes et celui qui vient des “exigences vitales de la personne humaine”. Le syndicat doit donc réviser radicalement sa stratégie, les priorités revendicatives, la notion même de syndicat, car il ne suffit pas “d’ajouter de nouvelles instances aux anciennes.” » Une option qui semble s’imposer : se résigner à survivre en tant que confédération de corporations ou se tourner vers
la représentation des intérêts fondamentaux d’une partie élargie de la société [21].