A qui appartiennent réellement les entreprises ? A celui qui apporte le capital ou à ceux qui y créent les richesses grâce à leur force de travail ? Dans un système capitaliste, on ne prend même plus la peine de réfléchir à la légitimité de cette question. La réponse semble couler de source… « La propriété privée des moyens de production est dans les mains de ceux qui apportent le capital ». Circulez, y a rien à voir !
Mais si on examine la question de plus près, même en restant dans cette logique capitalistique, on peut s’interroger sur la provenance exacte des sources de financement d’une entreprise, et revenir sur ce fameux droit de propriété.
De manière schématique, pour financer une entreprise, il y a deux grandes catégories de capitaux : d’une part le capital apporté par l’actionnaire, c’est-à dire celui qui détient le titre de propriété de l’entreprise ; d’autre part les dettes. Ce sont là les deux principales sources de financement que l’on retrouve au passif du bilan d’une entreprise [1].
Si on prend l’exemple de la sidérurgie, sur les 14 entreprises reprises en Wallonie et à Bruxelles, on constate que le capital apporté par les actionnaires représente 12% des sources totales de financement des entreprises. Les dettes représentent quant à elles 73%. [2]
Les capitalistes, ceux qui détiennent le droit de propriété parce qu’ils apportent le capital, ne pèsent donc qu’à hauteur de 12% [3] au sein des entreprises du secteur. Des capitalistes par ailleurs bien aidés par l’Etat, qui a sponsorisé à hauteur de dizaines de milliards ces prises de participation de la sidérurgie par des actionnaires privés !
- Part du capital apporté par les actionnaires dans le total des moyens des entreprises sidérurgiques (Wallonie-Bruxelles)
- Source Belfirst-MWB
Si on s’intéresse à présent à la toute grosse part du financement des entreprises, on se rend compte qu’elle provient non pas des actionnaires, mais de l’endettement. La question étant de savoir d’où proviennent ces capitaux prêtés aux entreprises.
Evidemment en grande part des banques… renflouées à coups de milliards par la collectivité. C’est donc l’argent public qui finance en partie les entreprises. Autre source de financement de ces dettes, les assurances (auto, vie, complémentaire, etc), qui sont largement financées par les particuliers et donc par la collectivité. Sans oublier évidemment les prêts de l’Etat, mais surtout les milliards € d’aides fiscales et autres réductions de cotisations sociales provenant directement des caisses publiques. Et on peut encore citer, si on pousse plus loin la démonstration, ce qu’on appelle l’épargne forcée, qui consiste pour les entreprises à bloquer les salaires pour financer sur le dos des travailleurs les dividendes des actionnaires.
Si on résume donc l’épineuse question du droit de propriété des entreprises, les capitalistes apportent environ dans nos secteurs Métal 15% [4] des moyens, le reste provenant de la collectivité et des travailleurs.
Certains ont voulu nous faire croire que le système capitaliste émanciperait les classes laborieuses. On nous a vendu (avec notre propre argent) le fameux théorème de Smith qui stipulait que les profits d’aujourd’hui seraient les investissements de demain et les emplois d’après-demain. Les profits ont bien atterri dans les poches des actionnaires. Nous attendons toujours la part des richesses que nous avons créées !
Les industriels ont démissionné depuis longtemps, laissant la place aux requins de la finance. L’avènement de cette société post-industrielle tant voulue par les libéraux, qui consistait à délocaliser la production pour ne garder que les services, a créé les bases profondes de la crise. Une déconnection entre économie réelle et finance, qui a brûlé des dizaines de milliers d’emplois et ouvert les vannes de la spéculation, brûlant les perspectives d’avenir de nos enfants et de nos ainés.
Reprenons les rênes en mains. Résistons. Refusons de nous soumettre. C’est la collectivité qui apporte la toute grande majorité des moyens pour créer les entreprises. Ce sont les travailleurs qui y créent les richesses. Si le patronat et sa classe libérale ne veulent pas nous entendre, alors reprenons une fois pour toutes ce qui nous revient de droit !