C’est avec consternation que j’ai pris connaissance de certaines réactions à la proposition d’accorder 500kWh gratuits à chaque ménage wallon. Ce qui m’a choqué ce n’est pas l’expression de points de vue différents (sur l’objectif, sur les moyens, sur les modalités) - c’est un débat libre - mais la déglingue intellectuelle des arguments et la méconnaissance crasse des réalités en matière de revenus.
Mon indignation s’appuie sur trois arguments :
1. Cette proposition est plus efficace, plus efficiente et plus juste que la proposition d’une TVA à 6% défendue dans certains milieux de gauche. En effet, elle
- donne un avantage au moins aussi grand aux petits revenus
- ne prive pas la communauté d’au moins 500 millions recettes fiscales alors qu’on est déjà en pleine austérité budgétaire
- enfin, elle demande un effort aux revenus élevés alors qu’une TVA à 6% leur donne un cadeau plus grand qu’aux petits revenus !
2. Comment peut-on attaquer par principe des dispositifs forfaitaires alors qu’ils constituent un élément essentiel de la redistribution des revenus telle qu’elle fonctionne dans notre pays. C’est ainsi, par exemple, que le revenu fiscalement exonéré est à peu de choses près forfaitaire c’est-à-dire qu’il est le même quel que soit le revenu du contribuable. De même, les allocations familiales sont forfaitaires. Dois-je comprendre que ceux qui mettent en cause la gratuité de 500 kWh pour tous s’opposeront désormais, au nom de la même logique, à ces deux dispositifs ? Certes il y a des allocations familiales majorées, mais qui sont précisément là pour rééquilibrer la situation des petits revenus qui ne bénéficient pas, eux, de la réduction fiscale pour enfants à charge ! C’est le résultat final de la redistribution des revenus qui doit être jugé.
3. Enfin, la méconnaissance des mécanismes de (re)distribution est flagrante dans beaucoup de prises de positions « familialistes ». Revenus, taille du ménage et consommation électrique sont corrélés. Traduction en langage de tous les jours : la consommation électrique est influencée surtout par les revenus du ménage, peu par sa taille. Et, contrairement à certaines représentations qui ont encore cours, les familles nombreuses ont (statistiquement) tendance à être des familles à l’aise.
Ma réaction sera certainement jugée partisane par d’aucuns. C’est pourtant l’intellectuel et l’économiste qui s’expriment, non le mandataire politique. Et puis tant pis, j’en prends le risque. Devant certaines tromperies intellectuelles il faut avoir le courage de réagir.