Dans la foulée des précédents ballons d’essai lancés par la droite pour « réformer » les pensions, le cabinet Roland Berger a récemment livré dans l’Echo son cocktail de solutions pour assurer la hausse du coût du vieillissement. Au menu : relèvement de l’âge de la pension, diminution de leur montant, augmentation de la TVA et du taux d’imposition des ménages.

Pour la FGTB, ces propositions sont inacceptables, à plus d’un titre.

Tout d’abord, parce qu’elles déguisent la réalité. En effet, contrairement aux chimères alimentées par la droite depuis quarante ans, il y aura bien des moyens suffisants d’ici 2060 pour financer les pensions légales par répartition (1e pilier). Ainsi, si on reprend les chiffres du Comité d’études sur le vieillissement (CEV), on constate que les richesses qui seront créées en Belgique (PIB) évolueront plus que les coûts du vieillissement d’ici 2060. Le tout est de savoir comment, et vers qui, on redistribue les richesses.

En outre, faire travailler les gens plus longtemps ne réduit pas les coûts pour la collectivité. Toujours selon le CEV, les diminutions budgétaires liées à un allongement de la carrière seront compensées par une augmentation des coûts liés à l’augmentation des chômeurs âgés et des malades.

Par ailleurs, ce ne sont pas les travailleurs et les allocataires sociaux qui ont vidé les caisses publiques et de la sécurité sociale. Sur la période 1996-2011, les réductions de cotisations patronales ont grimpé de 309% et les subsides salariaux ont dépassé tous les plafonds pour atteindre une croissance de près de… 2000%.
Non pas pour créer des emplois, mais pour enrichir les actionnaires, comme en atteste le parallélisme étonnant entre l’évolution des dividendes (11 milliards€) et l’évolution des aides aux entreprises (10 milliards€).

Les propositions du Cabinet Berger sont d’autant plus inacceptables pour le monde du travail qu’elles sont injustes et contribuent à creuser encore davantage les inégalités. En effet, la TVA est l’impôt le plus injuste qui soit puisqu’il touche de la même manière les plus riches et les plus pauvres. La proposition de financer les pensions par une augmentation de la TVA reviendrait à faire financer notamment les pensions les plus élevées par ceux qui sont les plus démunis.

Notons qu’en Belgique, sur base des chiffres de l’OCDE, le niveau de pensions est parmi les plus bas d’Europe. Résultat : un pensionné sur quatre vit sous le seuil de pauvreté.
Vouloir encore diminuer le niveau des pensions est impensable et intolérable.

Pour la FGTB, vivre plus longtemps ne signifie pas « vivre plus longtemps en bonne santé » et les différences à cet égard se marquent entre les « peu » et les « hautement » qualifiés.
En Belgique, l’espérance de vie en bonne santé est de dix-huit ans inférieure chez les hommes « peu qualifiés » que chez les « hommes hautement qualifiés ». Chez les femmes, cet écart s’élève à vingt-cinq ans.

Par ailleurs, vouloir encore allonger la durée de la carrière alors que le taux de chômage explose revient à freiner encore l’entrée sur le marché du travail des jeunes et des demandeurs d’emplois.

Cerise sur le gâteau, avec quarante-cinq ans de carrière, la Belgique impose déjà les conditions les plus strictes en Europe pour obtenir une pension complète.

Plutôt que ces pistes anti sociales, la FGTB défend, a contrario, une réelle amélioration du régime légal de pensions par répartition, qui garantit la solidarité entre les générations et assure une pension digne aux travailleurs à l’issue de leur carrière.

Il s’agit d’un choix politique qui opte résolument pour une autre redistribution des richesses et qui permettrait de réduire l’écart grandissant entre riches et pauvres, également dénoncé par des organes tels que le FMI et par un nombre grandissant d’économistes de tous bords. Un choix qui passe par la liaison des réductions de cotisations à la création d’emplois de qualité. Une option qui vise aussi la responsabilisation des employeurs et une meilleure contribution des revenus du capital au financement des pensions.

En trente ans, 10% des richesses créées sont passées de la poche des travailleurs à celle des actionnaires, créant les conditions de la crise actuelle et de la montée en puissance de la spéculation. Il est temps d’inverser la vapeur et de proposer une autre redistribution des richesses, qui retourne aux travailleurs et leur assure une pension digne, dont sont garants les pouvoirs publics.

La FGTB a chiffré à 2.47 milliards€ le montant nécessaire pour augmenter la pension légale pour tous de 60 à 75% du salaire moyen, soit une augmentation pouvant aller jusque 200€ par mois pour les pensions les plus basses.

Si on y ajoute un milliard, on peut augmenter progressivement les pensions minimales à hauteur du salaire minimum ainsi que rehausser le plafond de calcul des pensions légales.

P.-S.

Source originale : Tribune parue dans l’Echo du 17 avril