En avril 2016, le ministre de l’Emploi, Kris Peeters, a présenté son projet visant à réformer de manière structurelle la législation sur le travail en Belgique.
L’élément le plus significatif de cette série de mesures : l’aménagement du temps de travail et la période de référence sur laquelle ce temps sera calculé.
Comme les autres « lois travail » [1] en Europe, le projet du gouvernement fédéral est une transformation en profondeur du système de régulation du temps de travail en Belgique.
Ca y est, la Belgique tient son projet de « loi travail » ! Le plat pays était à la traîne du concert européen en la matière. Dès 2003, le gouvernement Schröder (rouge-vert) lance un vaste plan de réforme du marché du travail allemand [2]. Sur base de cet « exemple », les autres États-membres vont, à partir de 2010, successivement réformer leur droit du travail national pour gagner en flexibilité et en compétitivité. Nous ne traiterons pas dans cet article des pays dits de la périphérie [3]qui, depuis 2010, se sont vus imposer par la Troïka (BCE, Commission et/ou FMI) des plans d’austérité draconiens appelés mémorandums. Dans ces pays, en Grèce principalement, les réformes du droit du travail sont planifiées et implémentées « mécaniquement » à partir de Bruxelles. Les autres États-membres, sous surveillance [4] de Bruxelles, ont tout d’abord connu une période de rigueur budgétaire plus « souple ». Depuis quelques années, c’est un choc néolibéral, sur le modèle de ceux testés dans les pays de la périphérie, qui leur est administré. Les exemples ne manquent pas : le licenciement sans justification en Espagne, la multiplication des CDD sans justification de l’employeur permise par le Jobs Act en Italie, un nouveau pacte social visant l’allongement du temps de travail en Finlande et, évidemment, la désormais fameuse loi El Khomri en France.
Pour les dirigeants européens, peu importe la couleur politique, l’heure est à la transformation structurelle du travail, en particulier à l’aménagement de son temps.
Travail « maniable », travail « faisable »
En Belgique, dès l’accord de gouvernement d’octobre 2014, la coalition conservatrice au pouvoir ne cache pas son ambition d’« assouplir » le marché du travail. Le projet prendra corps à partir de février 2016. Selon Kris Peeters, ministre de l’Economie et de l’Emploi, l’heure est à l’expérimentation sociale. Certaines entreprises doivent pouvoir prendre des libertés ponctuelles avec des prescriptions légales pour procéder à des tests grandeur nature. C’est à partir de là que dans la presse spécialisée [5], les termes de « travail faisable » (werkbaar werk) et de « travail maniable » (wendbaar werk) font leur apparition.
L’empirisme patronal sera de courte durée. Deux mois plus tard, sous le prétexte d’un banal conclave budgétaire, le gouvernement décide de passer à la vitesse supérieure. Pour plaire à la Commission européenne, il faut brandir, dans la hâte, l’étendard de la réforme structurelle comme résultat d’un exercice budgétaire ponctuel. Après les salaires et les pensions, c’est donc au tour du temps de travail de se voir réformer.
Comme expliqué ci-dessus, cette réforme s’articule autour de deux notions, incompréhensibles pour le commun des mortels, et difficilement traduisibles en français : le travail faisable et le travail maniable. Selon le ministre, il s’agirait de répondre à la numérisation de l’économie, aux nouvelles exigences de flexibilité et de compétitivité tout en assurant au travailleur un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Actuellement, la note Peeters [6] est un catalogue de mesures, composé d’une part, d’un socle commun et d’autre part, d’un menu adaptable selon les secteurs.
La mesure phare du socle commun, celle qui a relancé un cycle de contestation sociale en Belgique, vise l’annualisation du temps de travail. Depuis le 1er janvier 2003, le temps de travail hebdomadaire en Belgique est limité à 38 heures. Le ministre de l’Economie et de l’Emploi veut modifier la période de référence pour le calcul de la durée du temps de travail.
De la semaine, on passerait à l’année. Ce changement n’est évidemment pas sans enjeux. Le premier touche au paiement des sursalaires. Aujourd’hui, les heures supplémentaires ou les horaires atypiques sont valorisés par des sursalaires ou des jours de récupération. En lissant le temps de travail sur une année, la réforme Peeters permet d’une part d’adapter le temps de travail aux besoins de l’entreprise mais, surtout de mettre fin au paiement d’heures supplémentaires. En période de haut niveau de production, les salariés pourraient travailler 3 mois à raison de 45 heures par semaine. Ces heures supplémentaires ne donneront pas lieu à un sursalaire si les travailleurs récupèrent ces heures à un moment creux de l’année.
Le travail « maniable » de Kris Peeters permet donc au patronat d’adapter le besoin de main-d’œuvre aux contraintes du marché tout en baissant le coût salarial.
Pour ce qui est du travail « faisable », le concept recouvre, selon le ministre, un système d’aménagement de la carrière qui doit permettre au travailleur d’épargner ses congés pour les prendre plus tard, d’aménager des horaires flottants ou encore de pratiquer le « don de congés » entre collègues [7].
Du neuf avec du vieux ?
Avant de poser la question des enjeux de fond de cette note Peeters, on peut, avec Esteban Martinez et Claude Lambrechts, s’interroger sur le caractère innovant des mesures proposées. Depuis 1993, à l’échelle de l’Europe, la directive temps de travail préconise déjà une réforme de la période de référence du calcul du temps de travail dans les États-membres. Cette directive fixe la durée de travail hebdomadaire maximale à 48 heures par semaine en moyenne sur 4 mois (heures supplémentaires incluses) [8]. Elle permet même l’annualisation du temps de travail dans certains cas [9].
Pour le coup, la Belgique n’a pas attendu l’Europe. Au début des années 1980, le gouvernement conservateur Martens V, composé des libéraux et des sociaux-chrétiens, décide, comme à l’habitude, de plancher sur la compétitivité de l’économie belge. Entre 1981 et 1985, l’État belge subit un premier choc néolibéral composé comme aujourd’hui de blocages des salaires (1982 et 1984), de diminution des cotisations sociales employeurs (1982), de subsides aux entreprises (prime à l’embauche), de politiques d’activation des chômeurs (1982 et 1983) ou de mesures visant à flexibiliser le temps de travail à travers la notion de durée hebdomadaire moyenne de travail.
Cette notion introduit dès 1983 la possibilité d’annualiser le temps de travail en Belgique. Ces mesures sont contenues dans une loi dite de « redressement » [10]. Outre la réduction de la protection des délégués syndicaux et l’affaiblissement de l’encadrement juridique du contrat de travail, cette loi vise principalement à aménager le temps de travail en Belgique. L’examen de la durée du travail hebdomadaire se fera désormais en moyenne sur une période allant d’un trimestre à l’année selon les cas [11].
Cette petite flexibilité offre déjà à l’époque la possibilité aux entreprises de déroger aux limites maximales de la durée journalière (jusqu’à 9 heures) et hebdomadaire (jusqu’à 45 heures) de travail. En 1987, on y ajoutera des régimes spécifiques quant au travail de nuit et du week-end dans le cadre des « nouveaux régimes de travail ». Pour éviter la prestation d’un trop grand nombre d’heures supplémentaires, un garde-fou, appelé limite interne, a été prévu par le législateur. Lorsque les heures supplémentaires atteignaient un certain seuil, l’employeur devait automatiquement octroyer des récupérations au travailleur. Le seuil de cette limite interne fut constamment repoussé pour autoriser aujourd’hui jusqu’à 143 heures de dépassement.
Certaines entreprises vont plus loin. En Belgique, le secteur automobile a connu une flexibilisation forte depuis les années 1980. Celle-ci a atteint son apogée en 2006 lors de la reprise par Audi du site bruxellois de Volkswagen. La nouvelle direction de l’usine exige alors l’adoption du « Plus minus conto » en échange de ses investissements. Il s’agit d’une adaptation du temps de travail en fonction du cycle de vie d’un modèle de voiture. La comptabilité du temps de travail se fait dès lors sur une durée de six ans [12]. Ce système est une nouvelle dérogation à la loi sur le temps de travail et sur les heures supplémentaires en Belgique. Les organisations syndicales de la métallurgie refuseront cependant l’extension de ce système à l’ensemble du secteur.
Après ce rapide coup d’œil dans le rétroviseur, on peut s’interroger sur le caractère innovant de la note Peeters. Les principales mesures contenues dans la note Peeters existent déjà. Ce que propose le ministre CD&V est une généralisation des mesures les plus permissives, le « Plus minus conto » par exemple, mises en place depuis les années 1980 en Belgique, mais laissées jusqu’à présent au jeu de la négociation collective. Le projet Peeters relève donc plus de la transformation du mode de régulation du temps de travail en Belgique que de pratiques innovantes en la matière.
Travailleur autonome et décentralisation de la négociation collective
Durant plus de trente ans, la flexibilité productive s’est donc négociée principalement au niveau interprofessionnel ou dans les secteurs. Le projet Peeters vise à rompre avec cette logique de concertation sociale en inscrivant l’annualisation du temps de travail dans le marbre. Comme pour les lois sur le blocage des salaires, cette politique aurait pour effet d’enlever toute substance à une négociation sur le temps de travail, tout ayant été cadenassé par le pouvoir exécutif. Ce type de politique vise donc aussi à inverser la hiérarchie des normes en décentralisant la négociation vers le niveau de l’entreprise, voire de l’individu, puisqu’il n’y a plus rien à négocier aux niveaux supérieurs (et protecteurs) de la négociation. Sous le vernis du discours « win-win » apparaît une nouvelle offensive du gouvernement Michel contre les organisations syndicales et le système de concertation sociale.
C’est dans cette logique, que le ministre Peeters propose également de créer, entre le salarié et l’indépendant un nouveau statut en Belgique, celui de travailleur autonome. Bizarrement, cette mesure fait moins de bruit que l’annualisation du temps de travail. Pourtant, cette réponse au lobbying intense des géants de l’économie numérique tel qu’Uber va un pas plus loin dans l’institutionnalisation en Belgique de ce que le sociologue français, Robert Castel, désigne comme le précariat [13]. Comme l’auto-entrepreneur français, le travailleur autonome belge se verra coincé dans une individualisation croissante de sa relation à l’employeur.
Cette volonté de décentraliser la négociation collective et d’inverser la pyramide des normes est un des traits communs à l’ensemble des « lois travail » qui fleurissent aujourd’hui en Europe. Elle se trouve au cœur de la contestation contre la loi El Khomri en France [14]. La réforme du Code du travail français vise en effet à augmenter le poids des accords d’entreprise par rapport aux réglementations sectorielles. Pour le patronat, il s’agit de permettre aux entreprises de s’adapter au contexte économique. A l’inverse, les syndicats mettent en avant l’asymétrie des négociations d’entreprise, le risque de chantage à l’emploi et le déséquilibre qui existera entre les grandes entreprises et les plus petites ou les travailleurs ne pourront se prévaloir d’un véritable rapport de force.
Ce qui est certain, c’est que les « lois travail » européennes répondent à une logique de régulation par le marché. En donnant la préséance aux accords d’entreprise sur les autres niveaux, cette lame de fond réintroduit le temps de travail, comme les salaires, dans la concurrence entre les entreprises. Le patron qui parviendra à négocier une plus grande flexibilité pourra en retirer un avantage compétitif par rapport à ses concurrents. Ces derniers n’auront d’autres choix que de l’imiter. Par les lois travail, les élites européennes réintroduisent brutalement la durée (le temps) et le prix (le salaire) du travail dans le marché. A l’image du salaire, le temps de travail en Europe passe progressivement de l’état de droit négocié à l’état d’indicateur de compétitivité [15].
Le licenciement crée l’emploi ?
Autre similitude entre les lois travail, la volonté d’assouplir les règles en matière de licenciement… L’adage patronal veut que les entreprises n’embauchent pas parce qu’il est trop contraignant de licencier. Il faudrait donc permettre aux entreprises de virer plus facilement pour créer de l’emploi. Reprise en cœur par les économistes inféodés aux patronats européens, à grands renforts d’une communication bien rôdée sur le thème du « tout est mieux (et plus flexible) chez les Nordiques », ce mantra néolibéral repose sur une double imposture.
Tout d’abord, les entreprises ne créent pas d’emplois, elles opérationnalisent ceux que leur carnet de commandes permet. Ensuite, un licenciement engendre, dans le meilleur des cas, un engagement sur le poste de travail existant, et non, sur un nouveau poste. Comme le rappelle Michel Husson, il s’agit là du « cycle de l’emploi », et pas d’une politique d’emploi. Sauf que, en permettant aux entreprises de licencier plus rapidement, la loi permet au « marché du travail » de tourner à plein régime et d’intensifier la mise en concurrence des salariés.
Si, comme l’explique Adoracion Gaman, les modalités de licenciement sont au cœur des réformes du droit des travailleurs en Espagne et en France (loi El Khomri) [16], la thématique semble moins présente dans le projet de réforme belge. Cependant, la normalisation de l’intérim au travers d’un contrat intérimaire à durée indéterminée vise à transférer le « risque » de l’engagement de l’employeur vers des entreprises spécialisées en location de main-d’œuvre. Le social-chrétien belge Peeters rejoint là, au moins dans la philosophie, la socialiste El Khomry et le conservateur espagnol Rajoy.
Travailler moins pour travailler tous
Outre un nouveau cycle de conflictualité sociale, le projet de loi de Kris Peeters a eu pour effet de remettre la réduction collective du temps de travail (RCTT) à l’agenda du monde progressiste. Qu’il s’agisse des organisations syndicales, de mouvements citoyens ou des partis politiques, la réduction du temps de travail semblait avoir perdu un peu de son urgence depuis quelques années. Il s’agit pourtant d’une revendication historique du mouvement ouvrier. Comme le rappelait Erik Rydberg en prélude à la soirée d’Econosphères : « Réduire le temps de travail a des racines profondes dans les luttes sociales (…) La fameuse loi du 1er mai 1848, venue limiter en Grande-Bretagne la journée de travail à 10 heures, sera marquée d’une pierre blanche dans l’Adresse inaugurale de la Première internationale des travailleurs en 1864. » [17]
La réduction du temps de travail est, en Occident, une tendance lourde depuis près de deux siècles. Selon Jean-Marie Harribey, le temps de travail en France fut réduit de moitié entre 1840 et l’an 2000 [18]. Revendiquer la réduction collective du temps de travail, c’est donc tout simplement aller dans le sens de l’histoire… sauf peut-être pour la période contemporaine.
Comme le démontre l’économiste Philippe Defeyt dans un article récent, le temps de travail annuel moyen a fortement baissé en Belgique depuis les années 1950. Le Belge de 2015 travaille en moyenne 650 heures de moins par an que le Belge de 1955. Cependant, depuis les années 1980, cette tendance ne se vérifie plus. La courbe stagne [19].
Ce coup d’arrêt dans la tendance baissière du temps de travail en Belgique et en Europe n’est pas sans rapport avec l’avènement de gouvernements néolibéraux un peu partout en Europe au tournant des années 1980. La revendication de réduction collective du temps de travail, portée par une majorité de syndicats européens et la Confédération européenne des syndicats à la fin des années 1970, se voit alors défigurée par le patronat. En Belgique, sur fond de crise du modèle fordiste les expressions de « partage du temps de travail » ou d’ « aménagement du temps de travail » font irruption dans les discours du gouvernement Martens-Gol à partir de 1981 [20]. Le ver de la flexibilité est dans le fruit de la réduction collective du temps de travail.
C’est en France qu’une des dernières tentatives de réduction collective du temps de travail a eu lieu. En tout cas dans un pays limitrophe de la Belgique. Le passage aux 35 heures ne s’est pas fait sans heurts. Rares sont les dispositions législatives prises par un gouvernement européen à la fin des années 1990 qui tiennent encore le haut du pavé médiatique un quart de siècle plus tard. L’explication comme la revendication est politique. Comme l’actuel, le patronat de l’époque est résolument opposé à toute baisse du temps de travail. Tous les gouvernements de droite qui ont succédé à celui de Lionel Jospin n’ont eu de cesse de dénoncer les 35 heures et d’essayer de les contourner. Plus récemment, c’est le prix Nobel d’économie Jean Tirol qui chargeait la réduction collective du temps de travail. Selon lui, les emplois créés par les 35 heures relèvent du fantasme. Pour Michel Husson, le constat est tout autre, les lois Aubry [21] ont permis de créer 500 000 emplois en France. Le travail d’évaluation des 35 heures réalisé par le ministère du travail français en 2004 s’accorde sur un chiffre plus modeste de 350 000 emplois [22]. Peu importe le chiffre, comme le souligne Michel Husson « si cette simultanéité entre créations d’emplois et baisse du temps de travail ne suffit pas à établir un lien de causalité, il devrait au moins exister une présomption favorable » [23]. Pour la présomption favorable, il faudra repasser. Si les forces conservatrices se déchaînent, tant en France qu’en Belgique, à la simple évocation d’une réduction du temps de travail, c’est que cette revendication historique du mouvement ouvrier porte en elle un projet de transformation sociale profond.
Entre le pragmatisme de l’emploi et la révolution du temps
Depuis les années 1980, dans tous les pays européens, le partage de la richesse entre les détenteurs de capitaux et les revenus du travail s’établit de plus en plus à l’avantage des premiers. Même les économistes de l’OCDE ne peuvent contredire cette évolution. En Belgique, dans le secteur dit marchand, la part salariale dans le PIB a reculé de quelque 6,4% entre 1985 et 2015. En trente ans, c’est donc plus de 16 milliards d’euros, aux prix de 2015, qui sont passés de la part des salaires aux revenus du capital [24]. En comparaison, lors du conclave budgétaire d’avril dernier, le gouvernement Michel cherchait entre 1 et 2 milliards d’euros…
Pour mettre fin à cette financiarisation croissante de l’économie qui produit de l’instabilité et des inégalités sociales toujours plus fortes – les détenteurs d’actions n’ont en effet pas souvent le même profil sociologique que les personnes vivant uniquement de leur travail – des solutions existent.
La première consiste à augmenter les salaires à temps de travail égal. La seconde à diminuer le temps de travail à salaire égal. La troisième, plus radicale, à augmenter les salaires en diminuant le temps de travail. Le rapport de force actuellement défavorable au monde du travail oblige cependant les organisations syndicales à aborder la RCTT avec une dose de pragmatisme. Du côté de la FGTB fédérale, la proposition de réduction collective du temps de travail n’est pas chiffrée. Elle doit se faire progressivement avec embauche compensatoire. Pour le syndicat socialiste, le financement de cette mesure est neutre, car il sera assuré par la mobilisation des réductions de cotisations sociales déjà octroyées par le gouvernement Michel aux entreprises. La proposition de la CNE est plus précise. Il s’agit de passer à « la semaine de 4 jours (32 heures), sans perte de salaire, avec embauche compensatoire, sans augmentation des cadences » [25]. Pour le financement, la centrale des employées de la CSC reste plus floue même si elle met également en avant la possibilité de négocier la réduction du temps de travail en contrepartie des mesures d’austérité salariale.
A prendre le verre à moitié plein, le fait que les syndicats renouent avec une revendication offensive de réduction collective du temps de travail fait souffler un vent frais sur le mouvement social en Belgique. A prendre le verre à moitié vide, n’est-il pas risqué d’utiliser les réductions de cotisations sociales, même si elles ont déjà été accordées, comme monnaie d’échange pour faire avaler la pilule de la réduction collective du temps de travail au patronat ?
Pour certains, il s’agit d’une stratégie pragmatique. Dans cette optique, la réduction du temps de travail agit indirectement sur la distribution primaire du revenu. Elle doit permettre la baisse du chômage qui, par un effet retour difficilement chiffrable, diminuera la pression sur les salaires [26]. Reste une question politique. Alors que le déficit de la Sécurité sociale s’alourdit suite aux Tax shift [27] et aux réductions de cotisations sociales, est-il opportun de donner une quelconque caution, soit-elle progressiste, à cette destruction en règle de notre système de protection sociale ?
Pour citer cet article :
Bruno Bauraind, « Le travail « maniable » ou la marchandisation du temps », Gresea, ocotbre 2016, texte disponible à l’adresse : http://www.gresea.be/spip.php?article1551