Le sauvetage des banques belges a nécessité 35 milliards d’euros de dépenses. Voilà la principale cause de l’augmentation des dépenses publiques. La Banque nationale de Belgique et les gouvernements belges ont fait ces cadeaux aux responsables de la débâcle financière puis économique. Et aujourd’hui, pour réduire les dépenses publiques, on veut toucher directement des retraités et des chômeurs ? Non !
Thierre Boutte : Selon la Banque nationale de Belgique (BNB), les dépenses
publiques ont fortement augmenté en Belgique, de 42,5% du PIB en 2000 pour atteindre 51,3% en 2013. C’est trop selon l’OCDE. Que faire ?
Si vous parlez d’augmentation des dépenses publiques, je mets en cause la Banque nationale de Belgique et la politique suivie par les gouvernements belges.
Je vise par là le sauvetage bancaire qui, après 2008, a nécessité des dépenses de l’ordre de 35milliards d’euros, soit l’équivalent d’une augmentation de 15 à 20% du budget annuel. Ce montant est celui avancé par la Cour de comptes, donc validé. Ainsi, les dépenses publiques ont notamment augmenté suite à des “cadeaux” faits aux grandes banques belges, responsables de la débâcle financière puis économique. Et aujourd’hui, pour réduire ces dépenses publiques, on veut toucher directement des retraités et des chômeurs !?Mais ce sont les responsables de la crise, les banquiers, qui devraient faire l’objet de mesures de récupération du futur gouvernement.
Vous êtes donc opposé à un assainissement des finances publiques, même avec un impact minime sur la croissance ?
Premièrement, nous sommes dans une situation de crise économique où la demande des ménages et la demande publique sont insuffisantes et où l’investissement des entreprises privées est trop faible.
Cette situation peut parfaitement justifier une augmentation des dépenses publiques, et donc du déficit, pour financer la relance. C’est le b.a.ba de la politique recommandée par le grand économiste John
Maynard Keynes. Comprenez donc qu’une situation comme on la connaît aujourd’hui n’impose pas de réduire les dépenses publiques. Deuxièmement, si assainir implique réduire des dépenses inutiles
voire injustes et augmenter des recettes en respectant les principes de la justice sociale et de la redistribution, je dis oui. Mais ce que propose actuellement la Banque nationale de Belgique est tout le
contraire. Son raisonnement, inscrit dans les politiques imposées depuis 2009-2010 par la Commission européenne, aboutit à une contraction de la demande et donc une stagnation économique.
La BNB préconise, comme première mesure, une réduction des dépenses de pensions. Que pensez-vous de l’idée de repousser l’entrée prématurée dans la pension et de supprimer certains régimes de pension anticipée ?
C’est inefficace et injuste. Inefficace en termes de stimulation de la croissance économique parce que dans un contexte de pénurie d’emplois, forcer des gens âgés à rester plus longtemps au travail, c’est
empêcher des jeunes capables d’entrer sur le marché du travail. Inefficace parce que ces jeunes, en percevant un revenu supérieur à celui du chômage, vont augmenter la consommation via l’acquisition
ici d’un logement, là d’autres biens durables, et donc relancer l’économie. Inefficace parce qu’il faut au contraire distribuer du pouvoir d’achat à des retraités qui l’utiliseront essentiellement à des dépenses de consommation, eux qui n’épargnent plus. Même réflexion, quand on réduit les revenus du chômage, on réduit la consommation privée. Enfin, c’est injuste parce que des promesses de pouvoir passer à la retraite ont été faites à des travailleurs et des conventions ont été prises par l’employeur public. Injuste surtout parce que, comme évoqué, la crise des finances publiques a été provoquée, non par ces personnes visées mais par la crise des banques.
Selon le Syndicat neutre pour indépendants (SNI), il ne faut pas diminuer la pension des indépendants (en moyenne élevée, selon lui, à 840€/mois) ni celle des salariés (en moyenne élevée à 1180€/mois) mais bien celle des fonctionnaires qui s’élèverait en moyenne à 2480€/mois. Qu’en pensez-vous ?
C’est faux. La moyenne des pensions des fonctionnaires n’est pas à ce niveau. Certains régimes donnent accès à des pensions importantes, mais cela ne concerne qu’une minorité. C’est une utilisation démagogique de données réservées à certaines niches.
Dans la démarche de la BNB, il s’agit plutôt de toucher une quantité importante de retraités.
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