Le bilan Rio+20 est globalement au mieux insuffisant, au pire (très) inquiétant. De récents et nombreux rapports (GEO-5, revue NATURE du 7 juin 2012...) suscitent une inquiétude justifiée. Alors que de nombreuses problématiques sociales s’aggravent ou sont loin d’être résolues, le risque environnemental semble avoir été sous-estimé, dans son importance et dans sa rapidité à produire ses effets, le tout dans un contexte de crise où même la durabilité économique et financière de notre système est menacée.

Dans cette perspective, la présente étude de l’Institut pour un Développement Durable présente et commente brièvement quelques indicateurs pour la Belgique. On a privilégié la production de séries les plus longues possibles pour mesurer le mieux possible contraintes et progrès éventuels.

Ces indicateurs sont :

1. Des indicateurs de contexte :

- la population totale

- la taille moyenne des ménages

- le revenu national brut par tête

- le pouvoir d’achat énergétique

2. Des indicateurs de l’empreinte écologique :

- la consommation énergétique des ménages (à domicile)

- la mobilité routière

- les déchets d’emballages ménagers

- l’empreinte du secteur résidentiel

- la consommation de viande bovine

3. Un indicateur social : le taux de chômage

L’image globale qui se dégage de l’évolution de ces différents indicateurs est peu encourageante : les progrès sont rares et, en tout état de cause, insuffisants par rapport à l’ampleur des défis.

Qui plus est, on peut penser que les progrès sont moins le résultat d’une réelle prise de conscience que de la dégradation du pouvoir d’achat.

 Des indicateurs de contexte

Evaluer les tendances à l’œuvre dans la mise en place (éventuelle) d’autres logiques de développement implique de se pencher sur des éléments contextuels. Deux apparaissent essentiels : le contexte sociodémographique et les indicateurs macroéconomiques.

Les évolutions sociodémographiques

Après avoir plafonné dans la première moitié des années 80, la population totale ne cesse d’augmenter depuis 1985. Le taux de croissance (lissé) devrait dépasser les 50.000 unités entre 2006 et 2015 et même s’approcher des 100.000 unités entre 2010 et 2015 !

A comportement inchangé, l’empreinte écologique augmente à due concurrence !

Toujours à comportement inchangé, elle est aussi alourdie par la baisse de la taille moyenne des ménages (voir graphique en haut de la page suivante).

Indicateurs sociodémographiques

Population totale – en millions – moyennes annuelles

Evolutions de la population à un an d’écart (évolutions lissées)

La taille moyenne des ménages

Sources : BfP, BNB et INS - Calculs et estimations : IDD

Deux indicateurs macroéconomiques

Sur le long terme on constate (voir page suivante) une baisse tendancielle du taux de croissance [1] par tête du revenu national brut.

Par ailleurs, il est important de montrer que le pouvoir d’achat énergétique des ménages pour le chauffage et l’éclairage recule le début des années 2000, alors qu’il a augmenté tendanciellement entre le milieu des années 80 et la fin des années 90 [2].

Pouvoir d’achat énergétique - 1970-72=100

Sources : EUROSTAT et Belgostat - Calculs et estimations : IDD

Taux de croissance à un an d’écart du Revenu national brut par tête – en % – série lissée

Sources : Belgostat, BfP, BNB et INS - Calculs et estimations : IDD

 La consommation énergétique des ménages

La consommation énergétique des ménages représente environ 1/4 de la consommation énergétique totale.

Cette consommation est devenue un enjeu environnemental et social. Les informations et analyses qui remontent du terrain tendent à montrer que s’installe une précarité et une dualisation énergétiques.

Le graphique ci-dessous montre que la consommation des ménages est orientée à la baisse depuis le milieu des années 2000. Mais est-ce toujours un choix ?

Consommation énergétique des ménages (hors transports)

Consommation totale en milliers de TEP

Consommation par habitant en kEP

Idem en indice 1990=100

Sources : BfP, Belgostat et EUROSTAT - Calculs et estimations : IDD

 La mobilité routière

La mobilité recourant aux énergies fossiles génère de nombreuses externalités négatives : pollutions diverses de l’air, émissions de gaz à effet de serre, embouteillages, accidents (et donc dépenses en soins de santé).

Les indicateurs relatifs à la mobilité routière donnent une image contrastée.

Premier constat : le nombre moyen de km parcourus en Belgique par les voitures est stabilisée aux environs de 15.500-16.000 km par an depuis la fin des années 90.

Mais, le nombre de voitures étant passé d’un peu plus de 2 millions à plus de 5 millions entre 1970 et 2010, le nombre total de km a été multiplié par 3,7 (ou une augmentation de 270%).

On observe cependant une (relative) stabilisation en fin de période du nombre de km par habitant.

Si des progrès ont été observés en matière d’émissions de CO2 par véhicule-km, l’augmentation tendancielle du trafic fait que les émissions totales ont continué de croître jusqu’en 2004 pour se stabiliser autour de 25 millions de tonnes depuis lors.

La mobilité routière

Nombre moyen de km par an par voiture

Nombre total de voitures – moyennes annuelles

Kilométrage annuel des voitures – 1970=100

Emissions totales de CO2 liées au trafic routier – en millions de tonnes

Sources : BfP, Belgostat, INS et SPF Mobilité - Calculs et estimations : IDD

 Les déchets d’emballages des ménages

Ces déchets sont au cœur du débat politique depuis le début des années 90 (tentative d’introduire des écotaxes sur les emballages à usage unique).

La réaction des secteurs concernés et des gouvernements a été la mise en place de FOST+, organisme chargé de collecter, trier et valoriser ces déchets. Le financement de ces opérations est assuré par une redevance sur les emballages à usage unique et par les recettes des ventes des matériaux recyclés.

Le résultat en ce qui concerne le taux de recyclage apparaît comme remarquable (voir graphique ci-dessous). Il est depuis quelques années proche de 85%.

Ce résultat doit être relativisé :

1. Ce taux est « surfait » parce que les taux de recyclage du verre et des papiers-cartons sont supérieurs à 100%. Le taux de recyclage correct tourne plutôt autour de 80%.

2. Le taux de recyclage des plastiques hors flacons et bouteilles reste particulièrement faible (voir tableau en haut de la page suivante).

3. De nombreux emballages, dits de service, comme par exemple les emballages de pâtisserie (verrines, plastiques...), ne sont pas comptabilisés ici et sont probablement peu ou pas du tout recyclés. Or tout indique que leur part relative augmente.

4. Enfin, contrairement aux engagements et objectifs antérieurs, la quantité totale d’emballages mis sur le marché n’a pas diminué. On observe cependant une stabilisation depuis 2002 de la quantité de déchets d’emballages par habitant aux environs de 75 kg/an/habitant. (voir graphique page suivante)

Déchets d’emballages ménagers

Taux de recyclage global calculé par FOST+

Taux de recyclage FOST+ et taux de recyclage corrigé

Taux de recyclage des plastiques

Production totale d’emballages ménagers. Total (X 1.000 T - éch. de gauche) et Par habitant (en kg - éch. de droite)

Sources : FOST+ et BfP - Calculs et estimations : IDD

 L’empreinte du secteur résidentiel

Le secteur résidentiel occupe une place croissante du territoire. En 30 ans, la surface totale occupée par le résidentiel a augmenté de plus de 1.000 km², pour dépasser les 2.500 km² en 2011. Le nombre moyen de m² par habitant tend lui à se stabiliser en fin de période autour de 230 m².

On observe une baisse rapide entre 1996 et 2002 de la surface moyenne (voir graphique page suivante) des nouveaux logements pour lesquels un permis de construction a été accordé.

Sa stabilisation autour de 105 m² depuis lors constitue certainement une tendance de fond.

L’empreinte du secteur résidentiel

Surface consacrée au résidentiel. Total (en km² - éch. de gauche) et Par habitant (en m² - éch. de droite)

Surface moyenne des nouveaux logements pour lesquels un permis de construction a été accordé – en m²

Sources : INS et BfP - Calculs : IDD

 La consommation de viande bovine

La production et la consommation de viande génèrent beaucoup de gaz à effet de serre.

Le bilan est particulièrement « lourd » pour la viande bovine.

Ébranlée par la crise de la vache folle, la consommation de viande bovine se redresse au début des années 2000 pour reculer par après. La tendance à la baisse des années 2000 semble plus structurelle.

La consommation par an et par habitant est passée d’un peu plus de 22 kg au début des années 90 à environ 18 kg en 2009.

Consommation de viande bovine

Consommation totale de viande bovine (X 1.000 Tonnes)

Consommation de viande bovine en kg par habitant et par an

Sources : EUROSTAT et Belgostat - Calculs et estimations : IDD

 Le taux de chômage

Le graphique ci-après montre que le chômage est depuis une trentaine d’années à la fois massif et structurel. Depuis le début des années 80 il tend en effet à fluctuer autour d’une moyenne de 10-11%. Encore faut-il noter que ce graphique

ne tient compte que des demandeurs d’emploi inoccupés et non du chômage administratif (qui comprend en plus les chômeurs âgés non demandeurs d’emploi) ; intégrer les chômeurs âgés fait monter le taux de chômage ;

le taux de chômage sous-estime le taux de sous-emploi comme je l’ai montré dans « A l’orée d’une année difficile... », IDD, février 2012 (le graphique est reproduit ci-après).

Évolution du taux de chômage

Taux de chômage (demandeurs d’emploi inoccupés)

JPEG

Taux de chômage et taux de sous-emploi

Sources : BfP, Belgostat et EUROSTAT - Calculs et estimations : IDD

Notes

[1La série de base a été lissée (moyenne mobile sur 5 ans).

[2Les séries de base ont été lissées (moyennes mobiles sur 3 ans)