Pour des achats moins onéreux et fondamentaux qu’un bien immobilier, ne doit-on pas mettre un frein à la société qui vit à crédit ? Cet accès libéralisé au crédit quotidien ne masque t-il pas une paupérisation de la population ? Ne vend on pas du rêve avec intérêts ? Comment établir des règles protectrices du consommateur sans le déresponsabiliser et négliger les origines de la pauvreté ? Vu le nombre de situations de surendettements, il est fondamental de s’interroger sur les motifs du recours au crédit à la consommation et d’envisager des voix alternatives qui ne plongent pas des publics déjà défavorisés dans la précarité.
1. Le contexte
Le crédit est un rouage majeur de notre économie. Il est porteur de développement tant au niveau d’une société que des individus qui la forment. Il est créateur d’emploi en favorisant l’achat et la production de biens de grande consommation. Il facilite aussi l’accès à ces biens au plus grand nombre.
Mais tel Janus, le crédit a deux visages : gouverné par les seules lois du marché, il produit des dégâts collatéraux que les médiateurs de dettes connaissent bien. Le consommateur « rassasié » fait place à l’individu « surendetté » pour qui commence une longue marche pour reconquérir sa dignité.
Il serait réducteur de ramener la problématique du surendettement au seul facteur du recours au crédit facile. Néanmoins si le crédit irresponsable ne fait pas le surendettement, il y contribue.
La Belgique peut se targuer d’être à la pointe en matière de protection du consommateur. Elle a su construire un partage des responsabilités entre des parties contractuellement inégales, tout en préservant l’accès pour un plus grand nombre au crédit.
Parmi les nombreuses mesures qui ont été mises en place, nous nous réjouissons particulièrement de la création en juin 2003 de la Centrale positive des crédits aux particuliers [1] et du renforcement de la responsabilité qui pèse sur le prêteur et sur l’intermédiaire de crédit lors de l’octroi du crédit.
Ces mesures ont incontestablement eu un effet extrêmement positif dans la lutte contre le surendettement. Malgré la crise économique, l’analyse des dernières données de la Centrale des crédits aux Particuliers ne sont pas alarmantes.
En effet, le pourcentage de contrats défaillants sur l’ensemble des contrats enregistrés a plutôt tendance à diminuer depuis le début de la crise économique en 2008. Ainsi par rapport à 2010, on est passé de 7,3 % à 5,2 %.
Même si on note fin 2012 :
- une augmentation du nombre de personnes enregistrées (+ 13,9 %) et du nombre de contrats de crédits enregistrés (+20,6 %) par rapport à 2011 ;
- ainsi qu’une augmentation du nombre de personnes en défaut de paiement (+ 4,1 %) et du nombre de contrats défaillants (+ 4,7 %). Les Ouvertures de Crédit présentant la plus grande augmentation du nombre de contrats défaillants (+ 10, 2 %)
Néanmoins, il faut constater qu’aujourd’hui, le crédit à la consommation est devenu banal, « facile » et de plus en plus fréquemment utilisé sans que le consommateur en évalue correctement les conséquences.
Sur le terrain, les médiateurs de dettes et les associations d’aide aux personnes surendettées constatent que les personnes en difficultés sont particulièrement vulnérables et font de plus en plus souvent appel au crédit à la consommation pour faire face à leurs besoins vitaux ou pour payer des factures en retard, créant une situation d’endettement permanent.
Avec la précarisation des revenus et du marché de l’emploi, les sirènes du crédit facile se font de plus en plus séduisantes pour faire croire que la baisse des revenus peut être compensée par le crédit. Certains organismes de crédit peu scrupuleux surfent même sur la vague de la morosité ambiante pour présenter des formules de crédit et de regroupement de crédit comme solution miracle pour boucler les fins de mois difficiles.
La banalisation du crédit comme levier de relance de la croissance économique est réellement problématique pour les associations membres de la plate-forme « Journée sans crédit » [2]. Cette banalisation se traduit notamment par du démarchage en rue pour des crédits, avec des cadeaux et promesses à la clé. Le moins que l’on puisse dire est que l’octroi d’un crédit dans de telles conditions est contraire à l’esprit de la législation, qui impose au prêteur de manière stricte, un devoir de conseil et d’information…
2. Promouvoir des pratiques de crédit responsables
Parmi les nombreuses mesures qui ont été mises en place en Belgique, nous nous réjouissons particulièrement de la création en juin 2003 de la Centrale positive des crédits aux particuliers et du renforcement de la responsabilité qui pèse sur le prêteur et sur l’intermédiaire de crédit lors de l’octroi du crédit.
Les articles 10, 11 et 15 de la LCC que nous détaillons ci-dessous sont depuis toujours la clef de voûte de la protection du consommateur et du crédit responsable.
Ils imposent aux prêteurs et aux intermédiaires de crédit un devoir de conseil et d’information qui implique :
- L’obligation de vérifier la solvabilité du consommateur notamment par le biais de la Consultation de la Centrale des crédits aux particuliers (art 10 et 15) ;
- L’obligation de rechercher le crédit le mieux adapté aux besoins du consommateur (art 11 avant la dernière modification, art 15 nouveau) ;
- L’interdiction de prêter à un consommateur qui ne sera pas à même de rembourser (art 15).
Le prêteur et l’intermédiaire de crédit doivent donc vérifier la solvabilité du consommateur.
Le professionnel doit apprécier l’opportunité du crédit et rechercher le montant le mieux adapté compte tenu de la situation financière du consommateur. Il doit poser les questions adaptées qui vont lui permettre d’évaluer la situation financière spécifique du consommateur.
La loi ne donne pas une liste exhaustive des informations qui doivent obligatoirement être recueillies auprès du consommateur (hormis la vérification de l’identité du consommateur et la consultation du fichier de la Centrale des Crédits aux Particuliers qui sont obligatoires).
De nombreuses décisions de jurisprudence ont estimé que le prêteur commet une faute s’il ne se préoccupe pas de connaître les revenus, les charges telles que le loyer ou les obligations alimentaires, la composition de ménage et l’existence d’autres dettes.
La consultation de la Centrale ainsi que la technique du « credit scoring » ne suffisent donc pas
Néanmoins, sur le terrain on constate que de nombreux crédits sont encore octroyés sans aucune information correcte et sans analyse de la solvabilité du consommateur de la part des professionnels du crédit. Exemple : Un consommateur se rend dans une grande surface, un magasin de meuble, d’électroménager ou de matériel Hifi pour acheter une machine à laver, une TV ou un dvd. Dans la plupart des cas, le vendeur lui proposera de payer son achat en plusieurs fois. Pour cela, le consommateur doit signer un contrat d’ouverture de crédit. Un formulaire standard est rempli avec le vendeur sur base des déclarations du consommateur. L’octroi du crédit est immédiat et le consommateur repart avec son achat sous le bras. Bien que le prêteur et l’intermédiaire soient tout deux tenus de vérifier la solvabilité du consommateur, on constate généralement qu’aucune information n’est vérifiée, qu’aucune fiche de salaire n’est demandée. L’enquête réalisée en caméra cachée en novembre 2011 par la RTBF pour l’émission « On n’est pas des pigeons » ainsi que les enquêtes réalisées sur le terrain par Olivier Bailly (publiées dans Le Soir du 5 octobre 2011) et par Test Achat (publiée dans Budget et Droit 223 juillet – août 2012 ),ont mis en évidence les pratiques totalement irresponsables de certains intermédiaires de crédit, pratiques que nous dénonçons depuis plusieurs années. « La Belgique dispose d’une des législations les plus respectueuse du consommateur en Europe. C’est le manque de scrupule flagrant des prêteurs qui constitue le principal problème ! ». |
En outre, le crédit à la consommation est omniprésent et désormais disponible dans les agences, chez les courtiers, en magasins, dans les grandes surfaces, via les achats par correspondance, sur internet, etc.
Il est indéniable que pour toutes ces enseignes la possibilité de pouvoir proposer un achat à crédit est un argument de vente de poids (« Achetez maintenant, payez plus tard »).
Dans certains établissements, l’octroi du crédit se fait au comptoir, à la caisse, debout avec d’autres clients qui patientent derrière. Ces conditions n’incitent ni à la prudence, ni à poser des questions précises au vendeur …
En outre, le vendeur n’est pas un professionnel du crédit, il est très souvent incapable d’informer correctement le consommateur (sur le coût, le délai de réflexion, etc.).
En ce qui concerne l’analyse de la solvabilité, elle va se limiter généralement à la consultation de la Centrale des crédits aux particuliers (seule obligation légale objective) et à une série de questions standards.
Dans un grand nombre de cas, le crédit est accordé de manière quasi automatique par un système d’octroi de points en fonction des réponses données (c’est la méthode dite du « credit scoring »). Bien trop souvent, il n’y a pas d’analyse approfondie du budget et des charges du demandeur.
C’est pourquoi, avec les membres de la Plateforme Journée sans crédit (JSC), nous avons formulé de nombreuses recommandations afin de promouvoir des pratiques de crédit responsable telles que le préconise la directive européenne.
Toutes les recommandations de la JSC sont disponibles sur le site www.journeesanscredit.be.
3. Les propositions
3.1. Renforcer les contrôles et les sanctions pour lutter contre le crédit facile
Le SPF Economie joue un rôle essentiel dans le contrôle du respect de la législation et dispose de larges pouvoirs. C’est l’administration qui
- octroie l’autorisation d’exercer aux prêteurs et aux intermédiaires de crédit,
- recherche et constate les infractions à la loi (pour cela l’administration peut notamment saisir des documents, dresser des PV, etc.),
- sanctionne les manquements constatés (par le biais d’un avertissement, d’amendes administratives ou du retrait de l’autorisation d’exercer).
Outre, les contrôles effectués systématiquement ou sur base de plaintes, le SPF mène aussi des enquêtes générales.
Il est essentiel que les moyens humains mis à la disposition du SPF Economie soient suffisants et permettent de contrôler l’ensemble du secteur du crédit c’est-à-dire non seulement les crédits accordés par les établissements bancaires, les courtiers mais aussi les établissement de vente d’électroménagers, la grande distribution, les garages, les magasins de meubles, les magasins de bricolage, les centres de fitness, les auto-écoles, les commerces d’animaux, etc … A titre informatif cela représentait, fin 2006, 189 prêteurs et 28.411 intermédiaires de crédit (agréés ou inscrits auprès du SPF Economie) à contrôler.
Il est essentiel également que le SPF Economie dispose également de suffisamment d’outils pour pouvoir traquer les infractions. Ainsi, nous plaidons pour que le SPF Economie puisse, à l’instar de la FMSA, réaliser sur le terrain des enquêtes de type « Mystery shopping ».
Nous déplorons également que le consommateur ne soit pas tenu automatiquement des suites réservées à sa plainte et qu’aucune des enquêtes réalisées par le SPF Economie ne soit publiée [3]. A l’heure actuelle, ni les types d’infractions relevées par l’Administration, ni les noms des contrevenants ne sont connus.
Nous pensons en effet que la publication des résultats des contrôles et des sanctions prises par l’administration ne pourrait que renforcer l’effet dissuasif et exemplaire de ces sanctions et assurer ainsi le respect et l’effectivité de la loi.
A titre indicatif, de nombreux services d’ombudsmans mis en place interviennent pour trouver une solution entre les parties en présence et publient leurs décisions et rapports sur leurs sites [4] .
Propositions
- un renforcement des contrôles par les autorités publiques compétentes (particulièrement en ce qui concerne le respect du devoir d’information et de conseil lors de l’octroi du crédit) permettrait d’assurer une meilleure application et un plus grand respect des dispositions légales visant à offrir au consommateur un crédit de qualité, à le protéger des abus et à lutter contre le surendettement.
Ceci implique de mettre à la disposition de l’administration
Des moyens humains suffisants ;
De nouveaux outils (tels que le mistery shopping) pour traquer efficacement les infractions ; - La communication automatique au consommateur qui dépose une plainte à l’Administration, de la position de celle-ci sur le litige et la publication par l’administration d’un avis non contraignant.
- La publication des enquêtes réalisées et des sanctions prises par l’administration à l’instar des rapports publiés par de nombreux ombudsmans.
3.2. Améliorer la mise en œuvre du délai de zérotage [5]
Nous plaidions également depuis longtemps pour que le délai de zérotage introduit en 2003 s’applique enfin à tous les contrats d’ouverture de crédit.
Nous nous réjouissons donc de la mise en œuvre effective de cette mesure qui a pour objectif d’éviter l’endettement à perpétuité, en imposant un délai dans lequel le montant total à rembourser doit être payé.
Certaines améliorations pourraient encore être apportées à la loi afin de promouvoir des pratiques de crédit responsable telles que le préconise la directive européenne.
A l’heure actuelle, le consommateur ne sera averti (par courrier recommandé) que deux mois avant la date d’échéance du délai de zérotage de ce qu’il va devoir rembourser l’entièreté du montant qu’il aura prélevé dans le cadre de son ouverture de crédit. Ce délai est beaucoup trop court et va bien souvent avoir comme conséquence que le consommateur, incapable de rembourser la somme réclamée en une fois, va devoir trouver un autre crédit pour pouvoir rembourser le précédent. Ce n’était bien évidemment pas l’objectif premier du législateur !
Il nous semble essentiel de ne pas prendre le consommateur par surprise et d’annoncer clairement le délai de zérotage au consommateur à la fois dès le début du contrat, mais également en cours du contrat. L’échéance du délai de zérotage et ses conséquences pourraient ainsi être rappelée dans les relevés mensuels intermédiaires qui sont communiqués au consommateur.
En outre, nous pensons également que le consommateur devrait pouvoir continuer à bénéficier de la possibilité de rembourser en mensualité après le délai de zérotage et ce jusqu’à apurement de la dette.
Proposition
Nous estimons qu’il est essentiel d’annoncer clairement à la fois l’échéance du délai de zérotage et ses conséquences au consommateur dès le début du contrat, mais également en cours du contrat notamment dans les relevés mensuels intermédiaires qui sont communiqués au consommateur.
En outre, nous pensons également que le consommateur devrait pouvoir continuer à bénéficier de la possibilité de rembourser en mensualité après le délai de zérotage et ce jusqu’à apurement de la dette.
3.3. Interdire le démarchage dans les espaces publics
Il y a quelques années, on a vu fleurir des stands de Citibank dans les stations de Métro, dans les gares et dans la rue et dans les lieux de passage de nombreuses galeries commerçantes. Le consommateur est accroché par des promesses de voyage, l’information sur le crédit y est inexistante, voire mensongère et l’analyse de solvabilité est quasiment inexistante.
Voyez l’article de presse paru dans La Meuse le 24 janvier 2009 :
« Au beau milieu … (des galeries commerçantes St Lambert à Liège), deux petits stands de Citibank et quatre vendeurs qui proposaient aux passants de tirer au sort entre cinq papiers. A tous les coups, vous étiez gagnant d’un vol aller/retour Barcelone, Rome ou Venise. Une seule formalité à remplir : passer au stand et signer une demande de carte de crédit Citibank. Votre billet d’avion vous était alors envoyé après avoir enregistré vos trois premières transactions. Et il fallait voir le nombre de Liégeois qui signaient … »
Nous estimons que ces pratiques ne répondent pas aux critères d’encadrement nécessaires pour que le contrat de crédit soit conclu dans de bonnes conditions (information complète du consommateur, analyse de solvabilité, conseils, etc.) : la rue ou tout autre lieu de passage n’est pas un endroit propice pour ce type d’engagement !
Il s’agit aussi de lutter contre la banalisation d’un acte important que constitue l’octroi d’un crédit : le crédit ne se vend pas comme une gaufre chaude !
Proposition
Nous plaidons pour l’interdiction du démarchage dans les espaces publics ou accessibles au public tels que les gares, les stations de métro, les grands magasins ou les galeries commerçantes.
3.4. Imposer un espace réservé au crédit dans les lieux de vente [6]
Nous ne sommes pas opposés à ce qu’un crédit puisse être proposé dans les lieux de vente (magasins, hypermarché).
Par contre, nous plaidons pour que, lorsque le crédit est réalisé sur les lieux de vente, le consommateur soit reçu dans un espace dédié au crédit et non plus à la caisse. C’est déjà le cas chez Makro et Carrefour par exemple, ou en France aux Galeries Lafayette et au Printemps.
Voyez dans le même sens, les conclusions et recommandations du Rapport Athling réalisé à la demande du Ministre français de l’économie sur la question du crédit revolving « Plus d’une ouverture de crédit renouvelable sur deux est réalisée sur le lieu de vente c’est-à-dire en dehors des locaux du prêteur ou sans contact avec le prêteur (grands magasins, hypermarchés). Il y a une différence très nette en matière de maîtrise du fonctionnement du crédit renouvelable entre les enseignes dont les conseillers financiers sont salariés d’un prêteur et celles qui ont recours à des vendeurs en magasin ou du personnel en caisse. Dans le premier cas, les consommateurs sont systématiquement reçus dans des espaces dédiés ».
3.5. Des intermédiaires correctement formés [7]
Plus d’une ouverture de crédit sur deux est réalisée via un intermédiaire (courtier, agent, vendeur par correspondance, magasin, hypermarchés) c’est-à-dire en dehors des locaux du prêteur ou sans contact avec le prêteur.
Pour satisfaire aux exigences de la loi et de la directive européenne en matière d’information du consommateur telles que décrites ci-dessus, nous estimons que les intermédiaires de crédit devraient être formés adéquatement et de manière continue par un recyclage régulier de leurs connaissances. De même, lorsque l’intermédiaire de crédit est une entreprise (un grand magasin par exemple), les travailleurs qui sont en contact avec le public et qui proposent les crédits devraient être formés adéquatement.
A l’heure actuelle, seuls les intermédiaires en services bancaires et en services d’investissement ou en assurances [8]/ [9] ont l’obligation légale de se former et de se recycler et doivent posséder des connaissances professionnelles spécifiques pour pouvoir exercer.
Par ailleurs cette obligation est étendue à toutes les personnes qui dans ces entreprises sont de quelque manière que ce soit en contact avec le public pour proposer ou faire la promotion de produits financiers ou d’assurances.
Les intermédiaires de crédit ne sont quant à eux soumis à aucune obligation de formation, ni à aucune exigence de diplôme et autres conditions en matière de connaissances professionnelles.
Il est pourtant évident que le marché du crédit est en évolution constante et que les différents crédits proposés au consommateur sont aussi complexes que les produits financiers ou les produits d’assurance. C’est la raison pour laquelle il est inadmissible qu’un crédit puisse être proposé par une caissière ou un vendeur de machine à laver voire même un courtier ou un agent qui n’aurait pas suivi une formation adéquate préalable.
Proposition
Nous plaidons donc pour que tous ces intermédiaires de crédits soient soumis à une formation obligatoire et certificative afin d’être à même de fournir une information complète et exacte au consommateur.
3.6. Interdire, dans les lieux de vente, les crédits qui ne sont pas liés à un achat [10]
Depuis quelques années, certaines chaînes de magasins proposent au consommateur qui fait ses courses des crédits qui ne sont pas liés à un achat.
Depuis 2007, Krëfel, la chaîne d’électroménagers propose des prêts personnels comme le fait une banque. Contrairement à la Krëfel Budget Card traditionnellement proposée au consommateur qui fait ses achats chez Krëfel, ces prêts ne sont absolument pas liés à un achat chez Krëfel.
Krëfel qui parle d’une diversification de ses services propose ces crédits via ses 70 points de vente et via son site internet (www.krefel.be). Krëfel n’agit qu’en tant qu’intermédiaire de crédit, le prêteur étant la Royal bank of Scotland. Les montants empruntés peuvent s’échelonner de 2.500,00 € à 50.000,00 €.
A l’époque, les agents financiers indépendants francophones (Fedafin) s’insurgeaient dans la presse contre cette recrudescence des offres de crédit notamment dans le circuit de la grande distribution et appelaient les autorités « à prendre les dispositions nécessaires pour contrecarrer le crédit facile ».
Nous pensons également qu’il s’agit d’une dérive inquiétante.
3.7. Clarifier le coût de l’assurance de solde restant dû
Très souvent, l’octroi du crédit est subordonné à la conclusion auprès de telle compagnie ou par le canal de tel intermédiaire, d’une assurance de type solde restant dû.
Ces contrats d’assurance procurent des revenus supplémentaires très élevés tant aux prêteurs qu’aux intermédiaires.
Ils sont aussi souvent extrêmement coûteux pour le consommateur.
Exemple : Pour une ouverture de crédit de 5.000€, avec une assurance coûtant 0,63% par mois, l’assurance coûtera au consommateur 31,50€/mois si son ouverture de crédit plafonne à 5.000€ !
Même si ces assurances sont présentées comme facultatives, on constate dans la pratique que le consommateur n’a bien souvent pas le choix (l’assurance est comptabilisée alors qu’il ne l’a pas demandée) ou ne reçoit pas les informations correctes qui lui permettent de choisir en connaissance de cause. L’administration relève de nombreux abus : assurances couvrant le risque d’invalidité conclues avec des consommateurs … déjà invalides, prime d’assurance directement déduite du montant du crédit versé au consommateur, prix exagérés, commissions de l’intermédiaire de crédit payées via la prime d’assurance, …
La directive européenne prévoit que les frais relatifs à cette assurance ne peuvent pas être réclamés séparément à l’emprunteur mais doivent être inclus dans le coût total du crédit c’est-à-dire le TAEG lorsqu’elle est obligatoire. Elle n’empêche pas le législateur belge de spécifier les situations dans lesquelles l’assurance peut être présumée obligatoire.
Proposition
Dans un souci de clarté, et afin de mettre fin aux abus constatés, nous plaidons donc pour un coût total, réel et transparent. Pour ce faire, il faut que la loi spécifie clairement les conditions qui doivent être remplies pour que la souscription de l’assurance soit considérée comme obligatoire.
L’assurance devrait être considérée comme obligatoire et les coûts de la prime d’assurance devraient donc être inclus dans le TAEG si l’une des trois conditions suivantes est remplie :
- le contrat de crédit est de moins de 5.000 euros,
- le contrat d’assurance est signé le même jour
- le contrat d’assurance est souscrit auprès d’une société d’assurance choisie par le prêteur ou liée au prêteur (exemples : Cofidis propose uniquement les produits d’assurance Cardif. Or Cofodis et la compagnie d’assurance Cardif sont toutes deux des filiales du groupe BNP Paribas, Citibank propose uniquement les produits MetLife [11]. Or MetLife a racheté en 2005 une partie des activités d’assurance de Citigroup et a une convention de distribution des produits d’assurance MetLife via les divers canaux de Citigroup)
3.8. Réglementer le statut des intermédiaires de crédit [12]
La directive européenne ne régit que certaines obligations incombant aux intermédiaires de crédit. Les États membres sont libres de maintenir ou d’introduire des obligations supplémentaires à leur égard (Considérant 17).
Proposition
Étant donné le rôle joué par les intermédiaires de crédit et les taux de défaillance inquiétants constatés chez certains [13], nous estimons qu’il est urgent de réglementer le statut de tous les intermédiaires de crédit (courtiers, vendeurs, grandes surfaces qui proposent des crédits) afin de veiller à ce qu’ils agissent également de manière responsable dans l’octroi du crédit et afin que leur responsabilité puisse encore être mise en cause si ce n’est pas le cas.
3.9. Un meilleur financement de la prévention et du traitement du surendettement
Développer de nouvelles compétences, apprendre à gérer son budget, être conscient de ce qui compte réellement pour soi, développer un regard critique sur notre société de consommation, … bref faire ses choix en connaissance de cause et devenir acteur de sa consommation sont des moyens efficaces pour lutter contre le surendettement mais aussi une démarche citoyenne.
Ainsi au sein des multiples compétences qu’un jeune consommateur acquiert dans sa vie, la compétence financière, lorsqu’elle se traduit par une gestion adaptée, contribue à atteindre l’équilibre budgétaire et, par conséquent, participe à son inclusion sociale et à son bien-être général.
L’émancipation des consommateurs (qu’ils soient jeunes ou moins jeunes) sur ces matières nécessite des formations et des informations sur mesure, ciblées, qui puissent atteindre la diversité croissante de leur mode de vie et de consommation et s’adapter à leur propre langage. La matière est riche et touche une gamme très large de savoirs, dont la transmission nécessite une gamme tout aussi large de méthodes, d’outils et d’intervenants.
Propositions
- Nous plaidons pour une politique davantage axée sur la sensibilisation et l’information des consommateurs en prévoyant des moyens spécifiques et récurrents au niveau fédéral et au niveau des Communautés et des Régions.
- Nous plaidons au niveau régional pour une augmentation sensible des moyens financiers alloués aux services de médiation de dettes qui assument un travail essentiel en terme d’information, de sensibilisation et de traitement des dossiers de personnes surendettées et/ou engagées dans un processus de médiation de dettes.
- A cet égard, nous insistons aussi pour qu’une large diffusion d’informations vers le grand public soit organisée par les pouvoirs publics afin de mieux faire connaître l’existence et le rôle des services de médiation encore trop peu connus.
3.10. Encourager le crédit social pour lutter contre l’exclusion bancaire
Le crédit social s’adresse aux personnes les plus fragilisées qui n’ont pas accès, ou très difficilement, au crédit à la consommation, excepté via des offres alléchantes mais coûteuses et qui risquent le plus souvent de les faire basculer dans le surendettement.
Ces expériences de « crédit adapté » existent maintenant dans plusieurs pays européens et notamment en France : appelés « micro crédits sociaux », ils s’y développent depuis deux ans et poursuivent les mêmes objectifs de lutte contre l’exclusion bancaire.
Ainsi, le crédit social a été conçu pour lutter contre :
- l’exclusion bancaire : En effet, l’âge, le handicap, l’endettement, un fichage négatif ou des faibles revenus restent les causes principales de l’exclusion bancaire. Le crédit social permet d’offrir une réponse à ces situations, tout en veillant à ce que le crédit soit la solution adéquate.
- e surendettement : Grâce à sa méthodologie et sa pédagogie basée sur l’analyse budgétaire, le crédit social permet en effet à de nombreux ménages de retrouver un bien être dans leur vie quotidienne, sans tomber dans « le crédit de trop »…
Par ailleurs, un accompagnement des demandeurs est mis en place afin de définir avec eux leur projet et préciser leur demande, éventuellement en cas de refus de les réorienter (vers un CPAS, un service social, etc.) et de les suivre tout au long du crédit.
Ainsi, ces projets s’inscrivent dans un axe de prévention du surendettement via l’accompagnement social des demandeurs et l’analyse budgétaire qui est réalisée avec eux.
Proposition
Nous plaidons pour un meilleur soutien de projets de financement alternatifs tels que le crédit social qui ont pour objectifs de lutter contre l’exclusion bancaire et le surendettement
3.11. Améliorer la centrale des crédits aux particuliers sans l’élargir à d’autres dettes
La Centrale des crédits aux particuliers constitue un excellent outil de prévention du surendettement.
Selon nous, l’élargissement de la Centrale à d’autres dettes (énergie, soins de santé, téléphonie…) prônée par les prêteurs ne permettrait en rien de mieux évaluer la capacité financière du consommateur et comporte de nombreux dangers : erreurs d’enregistrement, abus menant à des exclusions en chaîne, défaut de mise à jour,...
Voyez à ce sujet l’avis très pertinent de la Commission de la vie privée qui a exprimé un certain nombre de préoccupations importantes en ce qui concerne la planification de l’élargissement de la Centrale des crédits aux particuliers [14].
Proposition
Nous pensons qu’il n’est pas pertinent d’élargir la Centrale des crédits aux particuliers à d’autres dettes et recommandons plutôt de travailler à l’amélioration du fichier actuel.
Nous avions, par exemple, prôné l’inclusion dans la Centrale des données concernant les découverts en comptes courants, c’est chose faite depuis 2010.
Il s’agirait maintenant
- d’enregistrer le montant des encours réels des ouvertures de crédit,
- de tracer les regroupements ou refinancements de crédits, ainsi que l’identité des intermédiaires (courtiers, vendeurs, grandes surfaces)
- de mettre en œuvre pleinement le fichier central des saisies
Ces propositions ont été largement développées dans les recommandations de la JSC en 2008 et en 2009 [15].
4. Synthèse
Le crédit est un rouage majeur de notre économie. Il est porteur de développement tant au niveau d’une société que des individus qui la forment. Il est créateur d’emploi en favorisant l’achat et la production de biens de grande consommation. Il facilite aussi l’accès à ces biens au plus grand nombre.
Mais tel Janus, le crédit a deux visages : gouverné par les seules lois du marché, il produit des dégâts collatéraux que les médiateurs de dettes connaissent bien.
La Belgique peut se targuer d’être à la pointe en matière de protection du consommateur. Elle a su construire un partage des responsabilités entre des parties contractuellement inégales, tout en préservant l’accès pour un plus grand nombre au crédit.
Néanmoins, il faut constater qu’aujourd’hui le crédit à la consommation est devenu banal, « facile » et de plus en plus fréquemment utilisé pour faire face à des besoins vitaux ou pour payer des factures en retard, créant une situation d’endettement permanent. Les associations de terrain peuvent en témoigner.
D’autres mesures doivent dès lors être prises pour contrer les pratiques de certains organismes de crédit peu scrupuleux comme par exemple l’interdiction du démarchage en rue.