Le plan de relance de l’économie wallonne, le plan Marshall, fut au centre des discussions du sixième Midi d’Econosphères. Vous trouverez ci-dessous le contenu complet de l’intervention de Stéphane Balthazar (chercheur à la FAR).
L’objectif de cette intervention est de vous apporter un éclairage rétrospectif. On parle beaucoup de ce Plan Marshall mais on n’explique pas les choses qui, historiquement, ont poussé le monde politique principalement à lancer une initiative en mobilisant des moyens de communication important pour mettre en place un tel plan de relance.
Il ne s’agit pas d’ « un », mais de plans de relance successifs de l’économie dans un premier temps wallonne, dans un deuxième temps, élargis à d’autres entités de l’Etat belge et qui a commencé à germer au milieu des années nonante et qui s’est plus ou moins concrétisé à la fin des années nonante. Puis, au milieu des années 2000, ce plan a pris une forme plus concrète, plus objective aussi en termes d’indicateurs, de chiffres, de calendrier.
Frustration syndicale
Tout d’abord, une petite frustration syndicale. Il s’agit, en effet, d’un projet qui a été essentiellement politique et entrepreneurial et qui a peu impliqué le monde syndical. Ne serait-ce que pour être entendu, savoir comment mettre en œuvre ce plan et quelles devaient être aussi les priorités sociales.
Il s’agit avant tout de plans de relance économique. Or, la prospérité doit, selon nous, être surtout socio-économique. Qui dit socio-économique dit social, donc encré dans des préoccupations de société et pas seulement dans des préoccupations entrepreneuriales.
Après quoi, j’essaierai de conclure en abordant plusieurs éléments qui constituent des enjeux, des obstacles, des faiblesses et des lacunes des différents plans qui se sont succédés.
Il s’agira, enfin, de ponctuer cette intervention par une note d’optimisme, par les qualités des différents plans qui ont été mis en place. Le dernier ayant été adopté en décembre 2009, le plan Marshall 2.Vert par le gouvernement tricolore wallon (PS, CDH et Ecolo).
Un contrat d’avenir pour la Wallonie
C’est durant la présidence socialiste de Jean-Claude Van Cauwenberg, et sous la pression de la Commission Européenne, qu’il y a eu une volonté de mettre en place au moins un plan, un premier plan de communication sur une volonté politique wallonne de changer l’image de la région et son tissu économique pour restaurer de grands éléments prioritaires : plus de croissance économique et plus d’emplois. Des éléments prioritaires devant mener en principe à plus de prospérité. Même si on sait en effet que croissance économique et création d’emplois ne riment pas forcément avec prospérité.
En 1999, le gouvernement PS, Ecolo, MR présidé par Van Cauwenberg (ministre-président) élabore son premier contrat d’avenir pour la Wallonie. Il s’agit d’un ensemble de bonnes intentions, un document hautement symbolique du point de vue politique, mais dépourvu d’éléments budgétaires, de moyens de mise en œuvre des ses intentions, dépourvu d’objectifs, de chantiers concrets.
Le contrat d’avenir de 1999 est totalement dépourvu d’éléments de calendrier et de réalisation et encore moins de moyens financiers publics ou privés pour pouvoir les mettre en œuvre.
L’évaluation de ce plan en 2001 est assez faible dans son contenu. Évidemment, évaluer la réalisation d’actions qui sont elles-mêmes assez faibles (parce que tout simplement politique et hautement symbolique) ne permet pas de juger très clairement de l’impact sur la croissance économique ou encore, la création de postes d’emploi net.
Peu importe les indicateurs qu’on retient : PIB par habitant et PIB régional par habitant. Il n’y a pas de critères non plus d’objectivation de la qualité des emplois créés. En outre, il s’agit d’une comparaison courte dans le temps, sur deux ans à peine !
Le CAWA, c’est pas du café…
En 2001-2002, vient le temps du CAWA, le Contrat d’Avenir pour la Wallonie Actualisé. Il y a là aussi une bonne intention. L’équipe gouvernementale n’est pas spécialement remaniée. Les intentions restent les mêmes et les moyens d’actions n’ont pas significativement évolué, si ce n’est qu’on a accepté dans ce contrat d’avenir d’intégrer d’avantage d’éléments, d’objectifs et de chantiers mais toujours pas de calendrier de réalisation pour relancer l’activité économique et sociale.
Pourtant, ce plan comporte une stratégie transversale qui est liée à l’inclusion sociale. Donc en tout cas syndicalement, à titre personnel mais aussi dans le monde du travail en général et avec tous les acteurs de l’action sociale, ça a été un petit ballon d’oxygène, une réelle lueur d’espoir de voir que le développement économique se devait d’être être étroitement lié au développement des politiques sociales. Le CAWA reprend donc toute une série de mesures –forcement insuffisantes - d’amélioration des politiques non pas seulement économiques mais aussi sociales.
Les années passent. Les 4-5 premières années de la décennie 2000 sont assez pauvres en réalisations. Même si la croissance économique internationale est relativement soutenue par rapport aux années 90 ou par rapport à ce que l’on connaît maintenant. Comme vous le savez, la Belgique est une petite économie ouverte, les niveaux de développement humain en régions wallonne, bruxelloise et flamande - voire avec les régions frontalières - sont totalement interconnectés, car ces économies d’exportation sont étroitement liées (en termes de réimportation, de croissance et de revenus).
Le contexte du début des années 2000 est relativement favorable à la croissance économique, par exemple pour soutenir des politiques sociales voire environnementales. Pourtant, les évaluations se font rares et les 4-5 premières années de la décennie sont assez molles. Ce sont des années durant lesquelles le monde politique (au sens large) n’a pas bien saisi immédiatement les opportunités que pouvaient offrir cette période de croissance économique, de richesses, pour justement mettre en place des plans de relance.
Un référent national ?
À mesure que l’Union Européenne s’est élargie, la Wallonie a toujours pris plus de retard par rapport aux référents nationaux. Et ce durant 10-20 ans.
Un référent national ? La région bruxelloise en est un, en tous cas en termes de pôle de création de richesses. Même si on sait que Bruxelles concentre par ailleurs toute une série de paradoxes et de difficultés socio-économiques. La Wallonie est donc en retard par rapport à Bruxelles mais aussi vis-à-vis de la Flandre (ou de la moyenne nationale belge). Ou encore par rapport à ce que l’on appelle les RETI ; les Région Européennes de Tradition Industrielles, lesquelles ont du faire face, comme la Wallonie, à des reconversions suite au déclin de secteurs industriels traditionnels. On peut citer l’Ecosse, le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine, le Limbourg néerlandais,… il y a eu une vingtaine de régions en Europe qui ont du faire face au même type de déclin, avec leurs propres caractéristiques mais avec également des similarités avec la Wallonie. Cette dernière n’a pas pu objectivement inverser la tendance au déclin. Elle n’a pu enrayer l’approfondissement des inégalités socio-économiques. Pour ces différentes raison, elle s’est empêtrée dans une situation qui devenait toujours plus complexe. La Wallonie a manqué aussi toute une série d’opportunités, comme par exemple les fonds structurels. Il faut le dire très clairement, la Wallonie a bénéficié de sommes colossales de fonds structurels émanant de l’Union Européenne, elle a bénéficié d’une certaine façon de la solidarité nationale (via l’Etat fédéral) mais n’a jamais pu vraiment significativement inverser cette tendance au déclin jusqu’aux années 2000-2002.
Enfin, sur base des deux contrats d’avenir pour la Wallonie est né le fameux plan Marshall. Un plan sans précédent mobilisant des budgets importants notamment pour la communication du gouvernement. C’est principalement le Parti Socialiste qui a voulu élaborer un Plan Marshall afin d’essayer de redorer l’image de la Wallonie. Un plan pas très bien nommé pour la bonne et simple raison que le plan Marshall fait directement référence à l’intervention nord américaine de 1947 à 1951, opérée directement après la deuxième guerre mondiale, pour reconstruire le continent européen qui était dévasté (raisons économiques bien évidemment) : refaire de l’Europe le premier partenaire économique et commercial des Etats-Unis et du Canada.
La version wallonne est purement interne ; les moyens financiers sont à trouver en interne, il n’y a pas eu de sollicitation ni de la Flandre, ni de l’Etat fédéral, pas d’« allié extérieur » qui pourrait soutenir le développement intérieur, ne serait-ce que par des partenariats commerciaux très clairement définis.
On lui a souvent reproché d’avoir mobilisé autant de ressources dans de la communication politique parce qu’il s’agit d’un programme de politique économique et entrepreneurial. Plutôt que d’utiliser ces moyens à la réalisation de chantiers concrets. Mais il faut lui reconnaître que malgré ses faiblesses et ses lacunes, il a au moins le mérite d’exister.
Emprunter pour développer !
Dans sa première version datant de 2005, et qui porte sur quatre années, il s’agit pour une fois certes d’un programme politique mais qui est légèrement différent du programme d’accord du gouvernement. Deuxièmement, il mobilise des moyens finalement peu élevés en regard du PIB régional, par rapport aux limites budgétaires, financières et fiscales de la Région wallonne, et comparativement à la Flandre qui injecte chaque année des moyens bien plus conséquents pour le soutien de son économie. Par rapport à l’ampleur de la tâche (du défi), ceux-ci restent relativement marginaux (un peu moins de 400 millions € par an). C’est peu surtout s’il s’agit d’un coup dans l’eau qui s’arrête après quatre années et qu’aucune continuité n’est assurée.
Le Plan Marshall, c’est un milliard et demi dont un demi-milliard de financement alternatif, des emprunts en d’autres termes qu’il faudra rembourser à un moment donné. C’est donc de l’endettement. Emprunter pour se développer…
Un milliard et demi sur quatre ans, c’est peu et beaucoup à la fois. Néanmoins, ce plan cible enfin des actions et des chantiers concrets même si un certain nombre d’acteurs ont été un peu oubliés par le casting mis en place par le gouvernement. Notamment l’acteur syndical qui n’a été que très peu sollicité, ne serait-ce que pour donner son avis. Il a été impliqué a posteriori, dans des comités de suivi, de direction, d’accompagnement, d’évaluation, mais il a été totalement oublié (volontairement ?) lors de la phase d’élaboration.
Cette mise à l’écart fait que ce plan, et l’ensemble de ses actions, ont été considérés très clairement comme des mesures pro-entrepreneuriales, largement éditées par et pour le monde de l’entreprise.
Des axes prioritaires
Le plan Marshall est composé d’un certain nombre d’actions prioritaires, ce sont les actions prioritaires pour l’avenir de la Wallonie qui succèdent au CAW et au CAWA. Elles portent sur quatre ans (2006-2009) et voient ce milliard et demi affecté à cinq grands axes. Aucun axe n’est consacré à l’intégration sociale, à l’inclusion ou aux politiques sociales.
Le premier axe sur lequel on a beaucoup communiqué et insisté est celui des « des pôles de compétitivité ». Les pôles de compétitivité s’établissent dans des secteurs stratégiques dans lesquels la Wallonie a un savoir-faire et veut le faire voir et le développer plus au niveau international. Il y a maintenant un 6ème pôle, vert, celui des technologies environnementales. C’est un grand pôle où la Wallonie a en principe un grand savoir-faire qu’elle doit développer, accentuer. C’est un pôle très clairement axé sur l’entreprenariat.
Deuxième grand axe : stimuler la création d’activités économiques. Le projet est de refondre les outils d’accompagnement à la création d’entreprises ou d’activités économiques. Petit bémol néanmoins, et incohérence de ce système : la volonté qui prévaut à cet axe est de rationaliser et professionnaliser les structures d’accueil ou d’accompagnement des entrepreneurs visant la création et le développement de l’activité économique. Dans les faits, on a créé pourtant de nouvelles structures : une agence de stimulation économique et une agence de stimulation technologique. Il y a là une incohérence dans le message : « professionnaliser et rationaliser tout en créant de nouvelles structures pour coordonner le tout ». Parfois même en poussant certaines à disparaître avec des pressions politiques fortes dans certains cas. On a voulu rationnaliser au nom de la bonne gouvernance, d’une gouvernance plus rationnelle des institutions et donc des moyens publics. Mais paradoxalement, on a du justifier, argumenter sur la création de nouveaux outils, y compris, et c’est certainement positif, d’outils de coordination, d’encadrement, d’accompagnement. Ce n’est pas le message le plus optimal à donner aux contribuables, aux citoyens et au monde économique en général.
Troisième axe, celui qui est dans l’air du temps et qui est malheureusement très dommageable pour le financement des services publics, c’est celui de l’allégement de la fiscalité des entreprises. Il représente annuellement 150 millions d’euros de manque à gagner pour les finances publiques régionales. Au nom de la stimulation économique, on accorde des crédits fiscaux. Le plan escompte récupérer cette perte par la création d’emplois, des niveaux de revenus plus élevés, donc plus de précomptes professionnels ou de recettes d’impôts des personnes physiques. Des effets attendus mais pas forcément rencontrés. Ce sont des projections. Elles ne sont pas incohérentes a priori par rapport à ce que j’ai pu observer ou calculer mais toujours est-il que pour les 400 millions € de moyens publics qui sont nécessaires au financement de toutes les politiques du plan Marshall, il y a en parallèle 150 millions € d’allégement fiscaux qui sont octroyés aux entreprises via notamment la suppression de taxes telles que celle sur la force motrice, etc.
L’axe 4 est fortement influencé par l’Europe qui a très clairement participé de manière indirecte à sa co-rédaction. Il s’agit de l’innovation et la recherche. Rappelez-vous de la stratégie de Lisbonne qui vise à faire de l’Union Européenne - et on en est loin !- la zone économique au monde la plus compétitive.
Enfin, et c’est vraiment un axe fondamental puisque c’est un des plus gros défis que la Wallonie doit relever, c’est l’amélioration des compétences (Axe 5). Notamment la compétence de celles et ceux qui sont à l’emploi. Pour ce faire, on a mis en place toute une série de politiques nouvelles, intéressantes, en matière : d’apprentissage de langues étrangères (les fameux chèques formations en langues étrangères), de lutte en faveur des métiers en pénurie (au départ du Forem, donc des services subrégionaux de l’emploi), etc. Les évaluations constatent néanmoins que ces mesures liées au cinquième axe ont eu pour effet de renforcer l’écart entre les niveaux de qualifications de celles et ceux qui sont à l’emploi, donc entre ceux qui sont le moins qualifiés mais qui restent à l’emploi et ceux qui sont déjà bien qualifiés au départ et qui ont bénéficié de ces formations en langues étrangères, qui ont eu des renforcement en termes de qualification pour des métiers réputés en pénurie - ou susceptibles de l’être -, et entre ceux qui sont hors du travail ou qui y sont de manière très intermittente.
Sur papier, ces mesures sont innovantes pour la Wallonie, par rapport à ce qui se fait ailleurs. Mais on a constaté en quelques années des accroissements d’écarts de qualification entre ceux qui en avaient particulièrement plus besoin et ceux qui, ne serait-ce que financièrement, pouvaient se payer des formations complémentaires.
Il y a également eu beaucoup d’effets d’aubaine au profit des entreprises et au profit de travailleurs qui étaient déjà hautement qualifiés.
Donc cinq axes qui ont le mérité d’exister et qui ont apporté un plus ou, en tout cas, permis de donner un espoir à la Wallonie.
Pour conclure
Objectivement, il y a plusieurs éléments qui permettent d’être optimiste dans l’approche politique de la relance économique, dans la volonté d’enfin vouloir objectiver et rendre des comptes. Par contre, dans la capacité à résorber, à renverser, certaines tendances qui relèvent de lacunes, de problèmes structurels tantôt du marché de l’emploi tantôt du monde de l’entreprise, de la création d’activités, du lien entre le citoyen et son administration, entre l’entrepreneur et l’administration… Le fossé à combler à combler reste important car les facteurs économiques structurels se sont détériorés pendant 30 ou 40 ans en Wallonie. Il ne faut donc pas se voiler la face.
Première difficulté : il est dommage qu’en Belgique - alors que les économies régionales sont interconnectées, et les marchés de l’emploi le sont davantage qu’on aimerait bien le faire croire- qu’on n’ait pas suffisamment jeté de ponts entre les régions. Le gouvernement wallon n’a pas sollicité immédiatement autour de la table le gouvernement flamand et celui de la région Bruxelles-Capital ni même la Communauté Française. C’est très intéressant de vouloir lutter contre les métiers ou les filières en pénurie et d’augmenter la formation qualifiante mais si vous n’intégrez pas la politique de formation dans une approche globale, vous ne pouvez pas objectivement atteindre les résultats que vous souhaitez politiquement. Vous devez avoir une approche, une politique beaucoup plus globale en termes de gestion des compétences, de moyens financiers à mettre en œuvre et des autres niveaux de pouvoir à solliciter.
Deuxièmement, il aurait fallu pouvoir développer ce plan dans le cadre d’un plan fédéral à l’échelle du pays. Un plan unique qui aurait pu se décliner avec des spécificités régionales et notamment avec les aspects de gestion des compétences des communautés. Si la Région wallonne a certes une autonomie fiscale et a les moyens de lever des fonds par elle-même, les Régions et les Communautés restent dépendantes du marchandage fédéral pour une partie de leurs moyens budgétaires. Il n’y a pas une prise en compte de ce paramètre là, comme si on le niait alors que depuis la création des Régions et des Communautés, elles fonctionnent essentiellement sur base de dotations et donc de clés de répartition, de moyens à attribuer. On n’en a vraiment pas assez tenu compte.
Troisièmement, il y a le contexte de 2008 : la crise économique et financière qui vient un peu casser cette tendance à la relance, à un certain regain de dynamisme mais qui ne s’observe pourtant pas partout… C’est à la fois le côté préoccupant et le côté rassurant de la chose. Car on a constaté réellement une croissance de l’emploi, du niveau de vie en Wallonie. Mais pas partout. Le développement en Wallonie est extrêmement déséquilibré territorialement. La Wallonie est subdivisée en 20 arrondissements. Le CESRW [1] a par exemple réalisé des études vraiment pointues, sur base notamment de statistiques de l’IWEPS [2]. Selon ces études, certains arrondissements (particulièrement la province du Brabant Wallon) et ceux surtout qui sont frontaliers notamment du Luxembourg et du Nord de la France (Wallonie picarde) bénéficient tout particulièrement de la relance économique internationale. A côté de cela, vous avez 12-13 arrondissements qui continuent à galérer, il faut le dire clairement. Les écarts intra-wallons se sont accentués ces dernières années. Probablement pas à cause des plans Marshall. Toutefois, ces plans Marshall n’ont pas permis utilement de se préoccuper de ce développement territorial déséquilibré entre arrondissements, entre provinces. C’est une lacune qui doit être corrigée et qui doit être analysée prochainement par les gouvernements (à mon sens).
Il y a aussi le problème posé par la crise des finances publiques. La Wallonie était déjà dans une situation d’endettement compliquée. Il semble qu’elle était en phase de désendettement. On nous dit effectivement régulièrement qu’elle était sur la bonne voie mais que la crise économique et financière internationale est venue refaire partir à la hausse l’endettement régional. Car, sans remettre en cause les dotations fédérales, on demande aujourd’hui aux entités de l’Etat belge de contribuer au désendettement de l’Etat. Ce qui depuis deux ans ne facilite vraiment pas la gestion budgétaire au niveau wallon ne permet donc pas de donner une unité à toute série d’actions, de plans. Pourtant, l’Etat fédéral n’est pas venu au secours de la Wallonie pour développer sa politique économique. Or c’est ça que l’on attend de la solidarité d’un Etat fédéral, c’est qu’elle s’opère réellement. Autant dans son élaboration, la solidarité fédérale ou en tout cas l’intervention fédérale a été inexistante, autant en termes de résorption de la dette publique ou de désendettement, on sollicite les régions pour contribuer au désendettement du Fédéral.
D’un point de vue structurel, la Wallonie revient de très loin et donc inévitablement, les gens veulent des avancées au quotidien mais quand on a accumulé 30 ou 40 ans de déséquilibres structurels, il est difficile de pouvoir obtenir des résultats rapides dans un contexte économique international et dans un contexte politique belge particulièrement instables. Ce dernier déforce le volontarisme de l’une ou l’autre région ou l’une ou l’autre entité qui voudrait s’en sortir par elle-même.
Il y a quelques messages qui ont été lancés dernièrement en termes de gouvernance publique. Vous n’êtes pas sans savoir que le gouvernement wallon a fait adopter très récemment la réforme des provinces (réduction du nombre de mandataires provinciaux). Politiquement, c’est un bon geste. Deuxièmement, il y a le décumul des mandats. Mais un des grands problèmes, et il s’agit d‘un acteur fondamental qu’on a toujours pas réformé, et qui est toujours plein de disfonctionnements - appelons un chat un chat - c’est le Forem. On mise beaucoup sur lui, mais globalement on n’a pas contribué à le faire fonctionner mieux dans ses différentes composantes pour servir les actions, les chantiers, du plan Marshall. C’est réellement une lacune fondamentale, et ça doit être une priorité : faire mieux fonctionner cette grande institution qui a en charge la politique de l’emploi au sens large et, le cas échéant, établir des liens avec Actiris ou même avec le VDAB.
Enfin, le dernier point portera sur les évaluations. Très objectivement, j’ai vu circuler pas mal d’évaluations tantôt statistiques tantôt un peu plus qualitatives et je ne les ai pas toutes comprises… Il faut se mettre à la place du citoyen qui veut s’informer sur le plan Marshall 2006-2009. Comment puis-je vérifier qu’il y a eu des réalisations et qu’il y a eu un léger mieux ? C’est très difficile de savoir à qui va l’argent, à qui vont les fonds. On ne peut pas s’empêcher d’être frustré par le fait que ça a quand même été un plan pour entrepreneurs qui recèle des effets d’aubaine invraisemblables. Dans les évaluations, les commentaires sont très faibles. Les statistiques et les chiffres sont là, ils sont vrais ou pas, c’est encore autre chose mais le commentaire est insuffisant et ne me permet pas de dire quels acteurs ce plan a véritablement aidé. Et ça, c’est une frustration supplémentaire parce qu’on a maintenant suffisamment de recul pour se rendre compte qu’il y a eu une concentration des moyens non négligeables entre les mains de très peu d’acteurs, et pas forcement dans le but de résorber les inégalités qui sont de plus en plus criantes en Wallonie.
Il est difficile d’établir une conclusion unique. Il y a de bons messages qui ont été lancés mais la manière a été quelque peu maladroite et très orientée dans sa mise en œuvre.