Depuis de très nombreuses années déjà, le mouvement syndical européen sous l’égide de la Confédération européenne des syndicats et la CSC avec lui, dénoncent le déficit social qu’accuse le projet européen. L’intégration européenne voulue par les pères fondateurs de l’Europe était certes, une intégration économique mais elle devait être accompagnée d’une intégration sociale pour réussir et être crédible.
Cette seconde dimension semble être non seulement disparue de l’agenda politique européen mais pas vraiment prête à y revenir. On est passé de la logique du travail vers celle de l’emploi et assez allégrement de l’idée que le droit du travail est non plus un facteur de protection des travailleurs et de cohésion sociale mais …un coût.
Le droit du travail est désormais instrumentalisé au point d’être rangé au nombre des variables économiques susceptibles d’influencer la compétitivité des entreprises et la croissance économique.
La Commission européenne a fait très fort au cours de ces dernières années en lançant successivement les débats sur la modernisation du droit du travail et sur la flexicurité sans avoir mené les études nécessaires sur le contexte historique, social et politique qui ont présidé à la mise en place des systèmes de protection des travailleurs.
On ne peut pas construire l’Europe sans les 60 millions de travailleurs qui sont présents sur le marché du travail, on ne peut pas construire l’Europe sans projet mobilisateur qui apporte aux chômeurs, aux travailleurs précarisés aux jeunes ou aux travailleurs vieillissants des droits aptes à garantir une vie de qualité avec un revenu digne de ce nom.
Ce projet doit aussi prendre en compte la question du changement climatique, auquel aucune solution durable ne pourra être apportée sans une réflexion fondamentale sur les valeurs qui nous ont été imposées par les défenseurs du libéralisme économique poussé à outrance.
Or beaucoup de décideurs européens refusent de regarder la réalité en face : la crise que nous avons vécue est pour eux une péripétie dont il convient de tirer des leçons dont nous craignons qu’elles iront vers plus de dérégulation !
Entendons nous bien, le projet européen reste un bon projet et nous ne donnerons pas raison à ceux qui le remettraient en question.
Il est cependant grand temps de redonner à l’Europe les moyens de ses ambitions et notamment celle d’être un modèle social capable d’influencer les économies émergentes que sont la Chine, le Brésil et l’Inde. Ce modèle social passe, entre autres, – au niveau européen mais aussi mondial - par la reconnaissance des syndicats comme partenaires pour une reconstruction durable, économique et sociale, par la réaffirmation du droit à la négociation collective et par la revendication du droit à l’information et à la consultation des travailleurs.
C’est à ce titre que la CSC se réjouit « d’un appel européen pour la restauration et le renforcement du droit du travail et du droit syndical lancé par quinze personnalités du monde académique » qui partagent nos constats, nos craintes et nos idées.
Elle a décidé de le soutenir et d’inviter ses membres, militants et permanents à visiter le site http://www.labour-union-rights.eu/spip.php?article1 pour y signer l’appel.
Ces professeur(e)s et chercheur(e)s, constatent comme nous que
« Les droits collectifs protégeant le monde du travail sont érodés de plus en plus profondément, et les salariés, de plus en plus assimilé à du capital humain, soit à de simples ressources pour les entreprises que l’on peut faire entrer ou faire sortir du système productif, sans autre considération que le maintien des profits pour rémunérer les actionnaires. Le droit du travail et l’ordre public social sont de plus en plus considérés comme des objets injustifiés relevant d’un autre âge qui doivent être au mieux marginalisés, ou pire balayés. »
Cet appel est adressé aux nouveaux élus au Parlement européen.
Il faut qu’ils soient convaincus – comme nous le sommes – que les législations qui protègent les travailleurs ne sont pas LE problème mais LA solution pour assurer une répartition juste des revenus, combattre les inégalités et créer des emplois de qualité propices à la croissance économique.
Il faut qu’ils nous le montrent à l’avenir.