A quelques jours de l’échéance fatidique, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 37.000 sans emploi seront exclus du chômage au 1er janvier 2015 !

C’est l’effet de la limitation dans le temps des allocations d’insertion, décidée par le précédent gouvernement fédéral. Une mesure qui va créer un bain de sang social sans précédent. Une mesure qui traduit une politique injuste, cynique et absurde en pleine période de crise et de manque d’emploi.

Sans oublier que ce cataclysme social va se doubler d’un afflux massif et inédit de citoyens vers les CPAS. En quelques jours, ce sont des milliers d’exclus qui s’adresseront à ces organismes publics. Et le phénomène ne s’arrêtera pas là puisque, après 2015, les exclusions continueront de s’enchaîner, mois après mois, année après année…

Mais ce n’est pas tout. Car les mesures que le gouvernement de Charles Michel tente d’imposer (en matière de temps partiel, de maladie-invalidité, de chômage, de fins de carrière…) ne feront qu’accentuer l’exclusion et la précarité ! Ce qui signifie, inévitablement, un nouveau transfert de charge du fédéral vers les CPAS et les communes. La situation, au niveau local, risque vite de devenir ingérable.

 Rappel

Il existe deux principaux types d’allocations de chômage en Belgique.

- Les allocations de chômage, obtenues sur base d’un travail salarié.

- Les allocations d’insertion (ex-allocations d’attente) dont peuvent bénéficier les personnes n’ayant pas assez pu travailler pour bénéficier des allocations de chômage complet.

En 2012, le gouvernement Di Rupo a mis en place plusieurs réformes de l’assurance chômage. Parmi celles-ci, la limitation dans le temps des allocations d’insertion. Elles sont dorénavant délivrées durant 3 ans maximum :

- Sans condition d’âge pour les cohabitants ;

- A partir de 30 ans pour les isolés, les chefs de ménage et les cohabitants dits « privilégiés ».

Le compteur a démarré au 1er janvier 2012 et arrive à échéance dans quelques jours… Au 1er janvier 2015 !

Suite aux pressions syndicales, le gouvernement fédéral précédent a adopté, en fin de législature, un ensemble de règles assouplissant - quelque peu - la mesure pour certaines catégories d’allocataires d’insertion :

- Les demandeurs d’emploi qui peuvent prouver un certain nombre de journées de travail (à temps partiel ou à temps plein) sur les deux années précédant leur exclusion potentielle ;

- les travailleurs à temps partiel qui bénéficient d’une allocation de garantie de revenu sur base d’une allocation d’insertion ;

- les demandeurs d’emploi ayant des problèmes sérieux, aigus ou chroniques de nature médicale, mentale, psychique ou psychiatrique et qui suivent un trajet spécifique d’accompagnement du FOREM ;

- les travailleurs reconnus comme présentant une inaptitude permanente d’au moins 33% et qui suivent un trajet spécifique d’accompagnement du FOREM [1].

Ces différentes révisions de la législation auront pour effet de diminuer le nombre d’exclusions à la date du 1er janvier . Néanmoins, cette diminution n’est que temporaire car ces amendements ne remettant pas en cause le principe de la mesure. Il s’agit de possibilités de sursis provisoires dont pourront bénéficier certains demandeurs d’emploi. Une majorité d’entre eux seront donc de toute façon exclus dans le courant de l’année 2015 ou dans les années suivantes.

 Les chiffres restent néanmoins alarmants

37.000 exclusions au 1er janvier !

Les sans emploi wallons restent les premières victimes de la mesure. Les allocataires d’insertion sont en effet plus nombreux dans cette Région et le chômage de longue durée y est plus répandu.

Dans le courant de l’année 2015, ce sont donc 22.000 allocataires d’insertion habitant en Wallonie qui seront exclus, sur un total d’environ 30.000 Belges.

Rappelons également la surreprésentation des femmes dans les futures exclusions : 56% des allocataires d’insertion wallons sont des femmes !

A Bruxelles, ce sont près de 5.000 personnes qui seront exclues au 1er janvier. Quatre communes seront particulièrement touchées : Bruxelles-Ville, Anderlecht, Molenbeek et Schaerbeek.

Dans la capitale, un travailleur sur cinq est déjà sans emploi, des chiffres qui grimpent à un sur trois chez les jeunes de moins de 25 ans et la situation ne fera qu’empirer avec ces exclusions en 2015 : dans certaines communes ou quartiers, près de deux à trois jeunes sur cinq seront touchés ! Une véritable casse sociale qui n’augure rien de bon…

Les anciens bassins industriels toujours en tête

Les « assouplissements » législatifs n’ont pas non plus modifié la ventilation sous-régionale des exclusions. Ce sont toujours les sous-régions les plus défavorisées qui compteront le plus d’exclus. Et, encore une fois, les provinces wallonnes qui comptent le plus d’exclus sont aussi celles… comptant le plus de chômeurs !

Total Projection Wallonie % province
Hainaut 10.028 44,3 %
Liège 8.205 36,3 %
Namur 2.420 10,7 %
Luxembourg 1.150 5,1%
Brabant wallon 811 3,6%
Wallonie 22.614

Les communes, victimes collatérales

Les communes (via leurs CPAS) subissent depuis maintenant 10 ans les conséquences des exclusions entraînées par les contrôles dits « de disponibilité » (ONEM). Pour l’année 2013, Ricardo Cherenti, chercheur à la Fédération des CPAS, a estimé le coût de ces exclusions à 53.871.324 € [2] !

Les CPAS wallons octroient, en moyenne, 47.000 revenus d’intégration sociale (RIS) par mois [3]. La fin de droit des allocations d’insertion va entraîner l’exclusion de 22.000 allocataires d’insertion en Wallonie dont environ 10.000 isolés et chefs de ménage qui n’auront d’autre choix que de se tourner vers le CPAS. Les CPAS wallons doivent donc s’attendre à une augmentation de plus de 20% de leur budget RIS.

Et c’est malheureusement sans compter les exclusions qui, après 2015, continueront de s’enchaîner, mois après mois, année après année.

Et ce n’est pas tout !

Pour les CPAS, comme pour la plupart des demandeurs d’emploi concernés, les amendements ne font donc que reporter la mesure dans le temps. Ces perspectives ne semblent malheureusement guère inquiéter le gouvernement fédéral dont les nouvelles réformes ne feront qu’aggraver la situation.

Diminution drastique de l’allocation de garantie de revenus [4], restrictions d’accès aux allocations d’insertion [5], renforcement des sanctions administratives visant les demandeurs d’emploi, extension des contrôles de disponibilité jusqu’à 65 ans…

Toutes ces mesures - et d’autres - engendreront de nouveaux drames sociaux et auront également un coût important pour les CPAS. Enfin, un danger menace à plus long terme. Les périodes d’exclusion chômage ne sont en effet pas assimilables pour le calcul de la pension. Dans un avenir pas si lointain, ce sont des dizaines de milliers de pensionnés qui demanderont une aide sociale aux CPAS pour tenter de boucler leur budget.

Au niveau régional

Certains demandeurs d’emploi pourront bénéficier d’un sursis de deux ans.

Il s’agit de personnes :

- considérées par le FOREM (au niveau wallon) comme « ayant des problèmes sérieux, aigus ou chroniques de nature médicale, mentale, psychique ou psychiatrique » (MMPP)

- ou reconnues par l’ONEM comme présentant une inaptitude permanente d’au moins 33%.

Ces deux catégories de demandeurs d’emploi devront, pour bénéficier de ce sursis, suivre en outre un trajet spécifique d’accompagnement du service régional de l’emploi (en Wallonie, le FOREM). Le problème est que ces organismes régionaux n’ont pas encore pu rencontrer la totalité des allocataires d’insertion menacés d’exclusion et donc, d’identifier ceux qui pourraient être reconnus comme « MMPP » et, le cas échéant, de leur proposer un trajet d’accompagnement adapté. Concernant les personnes reconnues par l’ONEM comme présentant une inaptitude permanente d’au moins 33%, les organismes régionaux devaient également leur proposer un trajet d’accompagnement avant le 31 décembre 2014 !

L’ampleur de la tâche est énorme. C’est la raison pour laquelle le Ministre Peeters a demandé au gouvernement fédéral d’accorder un délai supplémentaire de deux mois aux organismes régionaux. Ceux-ci auront jusqu’au 28 février 2015 pour mener à bien tous les entretiens. Un délai supplémentaire qui semble bien insuffisant…