Si Philippe Defeyt insiste sur les inégalités qui se creusent en bas de l’échelle des revenus, Reginald Savage attire l’attention du lecteur sur la diminution de la part salariale dans le revenu national et sur l’explosion des très hauts revenus. Voici la transcription de son intervention…

 Un système inégalitaire mondial

Le creusement des inégalités n’est pas un phénomène isolé. Ce qui se passe aujourd’hui est la conséquence d’un nouveau système inégalitaire qui s’est mis en place il y a 25 ou 30 ans au niveau mondial avec des caractéristiques beaucoup plus marquées dans un certain nombre de pays. Il s’agit par exemple des pays anglo-saxons sur lesquels nous disposons de données plus détaillées. Ainsi, on observe des évolutions très similaires aux États-Unis, au Canada, en Angleterre, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Néanmoins, ce n’est pas un phénomène isolé aux seuls États-Unis. Ce modèle s’est progressivement imposé et a également eu des conséquences sur le modèle belge même si les évolutions ont été plus lentes et plus limitées dans notre pays parce que les rapports de force politiques y étaient différents.

Dans les statistiques internationales, celles de l’OCDE [1] par exemple, on observe que la Belgique reste un pays relativement moins inégalitaire que la plupart des autres. Selon, le coefficient de Gini (indicateur du niveau de l’inégalité dans un pays), la Belgique se situe aux alentours de la septième position sur trente pays.

Un certain nombre d’éléments concordants montrent, qu’au cours des 20 dernières années, la Belgique a suivi le train, mais de manière beaucoup plus lente par rapport à ce qui a été fait dans d’autres pays. La Belgique est toujours relativement bien classée selon les indicateurs classiques, avec les pays scandinaves qui sont cependant en train de changer de bord. On le voit par exemple au Danemark et en Suède.

Il est donc important de comprendre dans quelle tendance historique et dans quelle logique de système on se situe pour comprendre les lames de fond qui ont influencé partout la distribution des revenus.

 Le capital, le travail…

Le 1er graphique ci-dessous permet d’observer la répartition capital-travail en Belgique. Il s’agit tout d’abord de la part du travail (la courbe supérieure qui se lit sur l’échelle de droite), en ce compris le travail indépendant. La seconde courbe représente les revenus du capital. Ce graphique met clairement en lumière un effet de ciseau avec des fluctuations plus ou moins cycliques en fonction des périodes de crise. En 2008, on va ainsi observer une augmentation de la part salariale, mais en 2009, 2010, 2011, cette part va, selon les prévisions du Bureau du Plan, retomber pratiquement en dessous du minimum historique.

Répartition de la valeur ajoutée brut privée - Belgique
Source : R.Savage, Comptes nationaux détaillés (ICN).

Malgré des fluctuations cycliques, la tendance n’est pas du tout négligeable puisque, dans les années 60, la part du capital dans le revenu national est inférieure à 25% alors qu’elle dépasse les 35% en 2005 !

Dans ce contexte, même les 2% de capitaux qui sortiraient vers le reste du monde pour aller financer des actionnaires non résidents n’expliquent pas la majeure partie, loin de là, de l’évolution qu’on enregistre sur ce graphique (voir la transcription de l’intervention de Philippe Defeyt).

Encadré 1. La valeur ajoutée et la distribution primaire de la richesse

La valeur ajoutée est la différence, en termes monétaires, entre la valeur de la production dans un pays et la valeur des biens intermédiaires utilisés pour cette production. Si nous faisons abstraction des impôts qui servent à financer un certain nombre de biens publics, cette richesse produite est partagée entre les revenus du travail, en particulier les salaires, et ceux du capital. Ces derniers vont d’une part rester dans l’entreprise pour assurer l’investissement et d’autre part rémunérer le capital sous forme d’intérêts ou de dividendes.
La part salariale belge
Source : R.Savage, Midi d’Econosphères, octobre 2010.

Le graphique ci-dessus montre la part des salaires dans la distribution primaire de la richesse dans les sociétés non financières en Belgique. Après avoir atteint des sommets au début des années 80, on observe depuis lors une baisse structurelle de la part salariale.

C’est à l’intérieure de cette part salariale qui s’est rétrécie que l’augmentation des inégalités intra salariales s’est faite. Donc, pour les bas revenus, la baisse a encore été plus prononcée.

Evoluition de la part salariale (1976-2006)
Source : M. Husson cité par R. Savage, Midi d’Econosphères, octobre 2010.

Autre graphique sur la part salariale. Comme pour la Belgique, on observe une chute constante de la part du revenu qui va au travail.
Même s’il y a des débats techniques, dans la revue Alternatives économiques [2] en France par exemple, sur la part salariale, il y a néanmoins un quasi-consensus pour reconnaître que cette baisse est permanente, y compris d’ailleurs dans les instances internationales qui ont effectué pas mal de travaux sur cette question sans toujours en tirer les conséquences politiques.

  La financiarisation

Part des sociétés financières (FIRE) dans le profit total. Etats-Unis (1960-2009)
Source : M. Husson cité par Reginald Savage, Midi d’Econosphères, octobre 2010.

On a beaucoup parlé de la crise financière. Il est important de montrer que la crise est intrinsèquement liée au développement du système inégalitaire, en particulier dans le monde anglo-saxon.

En fait, depuis 20-25 ans, une partie des salaires a été remplacée par du crédit. C’est un peu schématique, simpliste, mais fondamentalement, cette évolution est liée à la dynamique d’accumulation du capital aux Etats-Unis.

La baisse salariale aux États-Unis n’apparaît pas trop dans les chiffres, car il y a eu une explosion des hautes rémunérations qui ont capté l’essentiel des gains de productivité. Si on enlève la part relative des 1% des plus hauts revenus dans la part salariale, on retrouve la même tendance descendante que dans les pays européens.

Le graphique ci-dessus montre très bien le grossissement considérable de la part des profits financiers par rapport au profit total. Il s’agit d’un phénomène de captation croissante de valeurs, de ponction de valeurs du système financier sur le reste de l’économie.

Part des salaires = salaire - productivité. Union européenne (1980-2010)
Source : R.Savage, Comptes nationaux détaillés (ICN).

Sans entrer dans des subtilités techniques, on observe une diminution de la part salariale quand le salaire réel -y compris le salaire indirect- augmente moins vite que les gains de productivité. Or, comme c’est le cas pour l’Union européenne sur le graphique ci-dessus, il existe depuis les années 80, un décrochage entre les deux courbes (productivité du travail et salaire réel). A partir du moment où les salaires réels ne suivent pas les gains de productivité, il y a mécaniquement et automatiquement une augmentation de la part du profit dans le revenu total et une diminution de la part salariale.

Cette baisse des revenus du travail est en outre synonyme de contrainte accrue sur le financement de la sécurité sociale parce que dans le salaire, il y a le salaire direct, le salaire indirect, mais également la partie qui finance la protection sociale et à l’avenir qui devrait financer le vieillissement.

Lors des négociations interprofessionnelles, le patronat avance qu’il n’y a aucune marge pour l’augmentation du salaire réel alors que les gains de productivité se poursuivent. Donc implicitement, ce discours est un plaidoyer pour le renforcement de la part des profits au détriment de la part salariale.

Par ailleurs, selon le livre vert sur les pensions, il est impossible d’augmenter les cotisations sociales à l’intérieur du salaire, on ne peut donc même pas discuter du partage entre salaire direct et indirect. Tout ça au nom de la compétitivité. C’est évidemment absurde et totalement « antiéconomique » comme raisonnement parce qu’on pourrait très bien, à l’intérieur d’un salaire réel qui augmenterait au même rythme que les gains de productivité (1 à 1.5% par an), dégager une marge pour discuter d’une répartition en trois composantes : salaire direct, qu’il faudrait à mon sens minimiser en terme de progression, refinancement de la sécurité sociale via une augmentation des cotisations sociales [3] .

Donc les gains de productivité pourraient parfaitement pour une part financer les augmentations de cotisations sociales sans devoir se traduire nécessairement par une baisse du salaire direct.

Le troisième élément qui doit jouer dans l’équation, c’est la poursuite ou non de la réduction du temps de travail, comme modalité écologiquement soutenable d’utilisation des gains de productivité.

Il y a donc même dans le contexte actuel, certains arbitrages possibles. Cependant, dans l’argumentation économique, il y a un tel rouleau compresseur aujourd’hui pour faire croire qu’il n’y a aucune marge. En fait, ce qui se passe, c’est qu’en Allemagne, ils sont depuis 10 ans dans une logique de blocage du salaire et de diminution extrêmement forte de la part salariale. En Europe, chacun doit s’aligner sur le modèle allemand soit disant car il a de beaux résultats. Effectivement, le système allemand crée des emplois…au détriment de ses voisins. Or, certains s’imaginent que ce système va permettre la création d’emplois au niveau européen.

C’est évidemment une illusion de l’économie traditionnelle classique que d’imaginer que la généralisation des baisses de salaires va être un élément qui permettra à tout le monde d’être gagnant…

Profit et accumulation. Etats-Unis ; UE ; Japon.
Source : M. Husson cité par R.Savage, Midi d’Econosphères, octobre 2010.

Autre déconnexion, celle à l’œuvre entre le taux de profit et l’investissement (taux d’accumulation). Selon le discours dominant, les profits ont effectivement augmenté, mais ils permettent de relancer l’investissement et donc de créer de l’emploi. Dans le graphique ci-dessus, le taux de profit a augmenté jusqu’en 2007 alors que le taux d’accumulation est resté stable sur la même période. L’écart entre taux de profit et taux d’accumulation, ce sont des masses qui se sont dirigées vers la sphère financière sous une forme ou une autre. On peut en citer plusieurs : il y a tout d’abord l’augmentation de la distribution des dividendes. Il y a ensuite toutes les liquidités qui ont été affectées par les entreprises à des OPA (offre publique d’achat), à des rachats d’actions, à des opérations de fusion et d’acquisition, etc.

Plutôt que de créer de nouvelles capacités de production potentiellement créatrices d’emplois, les entreprises ont préféré acheter le concurrent pour accroître leur pouvoir de marché. Des entreprises non financières ont même développé des placements financiers de manière significative plutôt que des investissements productifs.

Enfin, un élément qui n’est pas entièrement négatif : les investissements à l’étranger. On réalise des investissements, mais plus en Belgique. Les investissements ne se font pas où le profit a été généré. Donc on crée des capacités de production chez les concurrents à bas salaires et, par le fait même, on accentue la pression sur les salaires nationaux.

Financiarisation des entreprises. Belgique.
Source : R.Savage, Comptes nationaux détaillés (ICN).

Le graphique ci-dessus exprime, avant redistribution, la même évolution pour la Belgique. Jusqu’au tournant des années 80, on observe un relativement bon parallélisme entre les deux courbes. Puis, la déconnexion est progressivement très importante. Évidemment, si vous commencez votre analyse en 1995 comme avec la comptabilité nationale, vous ne verrez pas d’évolution fondamentale. Trop souvent, on oublie la rupture majeure qui a été faite au début des années 80. Il faut donc avoir un regard d’historien si on veut avoir une mise en perspective des évolutions lourdes du système telles qu’elles sont exprimées ici.

Dividendes nets en % de la masse salariale. France (1949-2008)
Source : Picketty et al. cité par R.Savage, Midi d’Econosphères, octobre 2010.

Autre élément de la financiarisation de l’économie, le transfert de la masse salariale vers les dividendes nets. A partir de 1982, on passe de 4% à 13%. En pourcentage de la masse salariale, les dividendes versés ont donc été multipliés par trois en 30 ans. Cette évolution s’est évidemment produite au détriment des ressources disponibles, non seulement en termes de salaires, mais aussi d’investissement. Les dividendes distribués ne se traduisent pas en investissement.

Part salariale et bénéfices distribués (sociétés)
Source : M.Husson cité par R.Savage, Midi d’Econosphères, octobre 2010.

Le graphique ci-dessus montre à partir de 1985 l’évolution de la part salariale en Belgique. La tendance à la baisse n’est pas colossale et elle est moins marquée que dans d’autres pays. Néanmoins, une diminution de 0,2% par an pendant 25 ans, ce n’est pas négligeable. Dans l’autre sens, la part des bénéfices et des dividendes distribués augmente de 0.3% par an. En 10 ans, cela représente tout de même 3% de valeur ajoutée.

  Les inégalités intrasalariales

Sur ces inégalités macroéconomiques, sont venues se greffer des inégalités en dehors du champ capital-travail, notamment à l’intérieur du monde du travail, et en particulier dans le monde anglo-saxon.

On assiste à une explosion des plus hauts revenus avec un effet de diffusion du fait de « l’internationalisation des marchés », du marché des managers. Ces fameux capitaines d’industrie qui font de tels miracles dans le secteur financier, ils ont une telle productivité marginale qu’il faut les rémunérer à coups de millions d’euros…

Ce serait « la productivité managériale », mais c’est plutôt la capacité de capter de la valeur chez les autres qui est rémunérée. Ce sont des mercenaires, des « tueurs d’emplois »…

Les inégalités de revenus en France
Source : M. Husson cité par R.Savage, Midi d’Econosphères, octobre 2010.
Encadré 2. La « salarisation » des profits

Depuis le début des années 80, une part croissante du profit de l’entreprise tend à être versée sous forme de salaires aux équipes de direction ou à certaines catégories d’employés. Ce phénomène a débuté dans la sphère financière où une large part des revenus des traders est, en quelque sorte, une part du profit distribué directement aux travailleurs. Les années 90 ont vu ce phénomène s’étendre à l’industrie [4].

Ci-dessus, cette explosion des hauts revenus en France sur la période 1998-2005. La courbe du bas représente l’augmentation des moyens des 90% des ménages les moins riches en France. Ces 31,5 millions de foyers français ont connu en moyenne une augmentation de 4,6% de leur pouvoir d’achat. Le pouvoir d’achat des 10% des foyers les plus riches (seconde courbe en partant du bas) a augmenté de 8.7%. Au fur et à mesure que l’on gravit les échelons, les augmentations de pouvoir d’achat se font plus importantes. Ainsi, les 0,01% des foyers français les plus riches (3.500 ménages) ont vu leur pouvoir d’achat augmenter de 42,6%.

Pourtant, selon les données de l’OCDE, la France est un des rares pays où le coefficient GINI a diminué. Il faut toujours s’interroger sur la valeur des statistiques, mais on a pratiquement une augmentation des inégalités dans tous les pays, notamment en Allemagne où elles sont moins connues, mais bien réelles. Même les modèles scandinaves, qui sont en train de sortir du modèle social-démocrate pour entrer dans un modèle néolibéral, n’échappent plus à la règle.

En France, un pays où les inégalités ont moins augmenté, et même diminué entre 1985 et 1995 d’après les chiffres officiels, on y observe pourtant aujourd’hui une explosion des inégalités même à l’intérieur du « top ». Cette augmentation ne concerne pas les 10 % les plus riches, mais c’est à l’intérieur de cette classe que s’est formée une élite dirigeante qui cumule les hautes rémunérations, les avantages en nature, les revenus de la propriété, les dividendes…

La part des revenus du décile supérieur aux Etats-Unis (1917-2006)
Source : R.Savage, Midi d’Econosphères, octobre 2010.

Le graphique ci-dessus est extrêmement illustratif sur l’évolution de la part du revenu (revenu du capital et revenu du travail) capté par la décime supérieure (10%) aux États-Unis sur une période extrêmement longue (1917-2002). En termes de concentration des revenus, on se retrouve en 2002-2003 à des niveaux d’inégalités de la période d’avant-guerre. En outre, l’augmentation se fait de manière magistrale à partir de 1982. Une période qui coïncide avec la mise en place du système néolibéral aux États-Unis.

Inégalités en haut de l’échelle des revenus aux USA
Source : R. Savage, Midi d’Econosphères, octobre 2010.

Sur une période similaire, ce graphique permet encore d’affiner l’analyse, car il décompose les inégalités tout en haut de l’échelle des revenus (10% supérieurs) aux Etats-Unis. On observe ici que c’est en fait le 1% des plus riches de la population américaine qui perçoit l’essentiel de la mise… Cette population passe d’à peu près 10% du gâteau à 23-24% en une vingtaine d’années. On a donc finalement un phénomène de concentration de moyens financiers et aussi du pouvoir qui est absolument gigantesque.

On observe des évolutions similaires dans les quatre autres pays anglo-saxons : Canada, Australie, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni où l’augmentation des inégalités s’est faite très fort et puis s’est stabilisée sous le régime du New Labor. C’est un phénomène qui s’étend et qui contamine aussi en partie le modèle allemand et même le modèle scandinave où la pression est forte pour s’aligner sur ce qui se fait ailleurs.

Part du 1% les plus riches et part du profit (1960-2005). Allemagne ; USA ; France ; Royaume Uni.
Source : M. Husson cité par
R.Savage, Midi d’Econosphères, octobre 2010.

Comme le montre le graphique de Michel Husson ci-dessus, il y a une connexion structurelle entre la baisse de la part salariale, l’augmentation des profits et l’augmentation des revenus du 1% les plus riches.

Lorsqu’on fait une comparaison sur l’évolution des revenus du travail et des revenus de la propriété, il y a deux problèmes méthodologiques fondamentaux auxquels il faut être attentif.

Le premier c’est qu’il n’y a pas de comptabilité d’inflation. Sur le court terme, cela ne change pas grand-chose dans les comparaisons. Sur le long terme par contre, cela peut entraîner un biais considérable. Ainsi, dans un contexte où l’inflation est de 7% et le taux d’intérêts ou de rémunération du capital de 10%, vous avez un taux réel de 3%. La vraie rémunération du capital, ce n’est donc pas 10% mais 3%.
Donc, en longue période, il y a un biais systématique dans l’évaluation.

Dans l’autre sens, on sous-estime l’évolution des revenus de la propriété, car il n’est pas tenu compte des plus-values boursières. Elles ne sont pas reprises dans la comptabilité nationale.

Ces plus-values ont connu une importance considérable dans les années 1980 et 1990. Même aujourd’hui, malgré les crises financières, les indices boursiers ont pour certains augmenté. Il y a dans ce cadre des éléments d’augmentation du patrimoine, de la richesse qui ne se retrouvent pas pris en compte dans la comptabilité nationale.

 Conclusion

Il y a vraiment une double lutte à articuler, car le modèle économique actuel n’est ni un modèle écologique, ni un modèle de décroissance. C’est un modèle de croissance molle où effectivement il y a une réduction de la part des salaires et la poursuite de l’augmentation de la part des profits.

Cette concentration des moyens financiers qu’on vient de voir veut également dire la concentration des moyens de polluer : « c’est le fait qu’on va tous les week-ends avec son jet privé aux Bahamas et qu’on a des modes de consommation complètement énergivores, destructeurs de la planète ».

Cela veut dire que la lutte pour l’égalité, la lutte pour une meilleure répartition des revenus, et un rééquilibrage macroéconomique du rapport capital-travail sont intrinsèquement liés.

Rétablir la part salariale, c’est surtout se donner les moyens de financer le vieillissement de la population sans régression sociale. C’est se donner aussi les moyens d’un projet d’évolution du temps de travail, d’évolution des services collectifs, d’une réduction des inégalités en bas de l’échelle des revenus.

Toutes ces choses doivent passer par un rééquilibrage macroéconomique. Il faut aussi que du côté du monde du travail, on cesse de dire, du côté des libéraux, qu’il faut réduire la fiscalité sur le travail. Il ne faut pas croire que le simple rééquilibrage de la fiscalité capital-travail va résoudre tous les problèmes. Il faut accepter qu’il faille à la fois un rééquilibrage macroéconomique, mais aussi, à l’intérieur du salaire, des arbitrages en faveur du salaire indirect si on veut maintenir un système social solidaire et un modèle de développement qui soit moins marchand, qui fasse davantage place aux services collectifs.

Notes

[1Organisation de Coopération et de Développement Économique.

[2Alternatives Economiques, http://www.alternatives-economiques.fr/.

[3Reginald Savage : « On va crier au loup en disant que c’est une augmentation de la taxation, pas pour moi ! Les cotisations sociales ne sont pas une taxation du facteur travail, c’est un élément intégral de redistribution intra salariale, ce n’est pas un prélèvement sur la feuille de paye, c’est simplement à un moment donné un arbitrage entre ce que l’on conserve pour sa vie active et ce qui est collectivement mis de côté pour le financement des pensions. ».

[4Voir à ce sujet : Jacques Sapir, Depuis 30 ans, les salaires baissent, sauf au sommet, article disponible sur le site de la revue française Marianne à l’adresse : http://www.marianne2.fr/Depuis-30-ans-les-salaires-baissent-sauf-au-sommet_a183144.html