« Iannis Gracos » est le nom de l’appellation collective des auteurs de la publication annuelle du GRACOS [1] (Groupe d’analyse des conflits sociaux) qui a pour objectif d’étudier les principaux mouvements de grève et d’autres éléments de la conflictualité sociale liée au travail qui jalonnent l’actualité de chaque année civile en Belgique. Dans de précédentes livraisons du Courrier hebdomadaire, il s’est intéressé aux années 2011 et 2012. La présente étude procède de même pour 2013.
L’année 2013 a été marquée par une conflictualité sociale différente de celle observée en 2012 [2]. De nombreuses catégories de travailleurs, du secteur privé comme du secteur public, se sont mobilisées et ont exprimé leur mécontentement à l’égard de la situation socio-économique générale, de celle de leur branche d’activité ou de celle d’une entreprise en particulier. Mais cela n’a pas pour autant débouché sur une mobilisation interprofessionnelle forte, unifiée et cohérente, ce qui avait davantage été observé en 2012, de même qu’en 2011 [3]. Un seul secteur – celui de la Justice – a réussi à unir ses forces à l’occasion d’une grève jugée historique, le 13 décembre 2013 [4].
La liste est pourtant longue des travailleurs – salariés, agents de la fonction publique et même indépendants ou titulaires de professions libérales – qui ont mené des actions d’arrêt du travail ou ont manifesté en 2013 : taximen, employés de banques, sidérurgistes, douaniers, policiers, pilotes d’avion, gardiens de prison, conducteurs de bus, cheminots, employés et ouvriers communaux, pompiers, médecins des prisons, fonctionnaires des entités fédérées, médecins généralistes, standardistes des centres d’appel d’urgence, fonctionnaires fédéraux, ouvriers de l’industrie alimentaire, du verre ou du métal, personnel manutentionnaire du secteur aérien, travailleurs du bâtiment, avocats, greffiers de justice, magistrats, etc., et même fonctionnaires européens.
Mais manifestement, cette conflictualité sociale tient du besoin d’être entendu, du « coup de gueule » [5] ; cette expression, utilisée par un délégué syndical pour qualifier l’un des conflits de cette année, est représentative de cette ambiance générale de contestation brève, fréquente et fragmentée. La grève des bagagistes de chez Swissport, abordée dans ce numéro, par son caractère dur et long pour ce type de secteur, tranche avec ce climat général d’escarmouches.
Ce qui ressort le plus clairement des conflits examinés dans cette livraison est une sérieuse remise en question du fameux système belge de concertation sociale. Les négociations et concertations sont refusées ou court-circuitées par un certain nombre d’employeurs, en ce comprises les autorités publiques lorsque celles-ci agissent en leur qualité d’employeur public. Par conséquent, le monde du travail proteste et conteste car il estime ne plus être entendu. On peut dès lors se demander si la politique du fait accompli n’est pas progressivement en train de remplacer le système établi de concertation sociale. L’on constate en effet que nombre de conflits ont pour origine des prises de décision patronales unilatérales, non précédées d’une consultation sociale préalable.
Cette incapacité des interlocuteurs sociaux à s’accorder ou la volonté de certains acteurs d’imposer leurs vues grâce à un rapport de force qu’ils estiment leur être favorable s’est traduite par l’impossibilité d’aboutir depuis 2011 à la conclusion d’un accord interprofessionnel (AIP) acceptable par l’ensemble des organisations syndicales et patronales. Alors que c’est la ratification d’un projet d’AIP par l’ensemble des interlocuteurs sociaux qui n’a pu intervenir en 2011, c’est la quasi-absence de négociation d’un tel projet qui a marqué l’année 2013. Entrerions-nous dès lors dans une nouvelle phase historique de « non-accord interprofessionnel » ? Rappelons que la période 1977-1985 avait été marquée par l’impossibilité pour les interlocuteurs sociaux de conclure des accords à l’échelon interprofessionnel, les revendications syndicales de hausses salariales et de réduction collective du temps de travail se heurtant à des employeurs ayant durci le ton en s’engageant vers la promotion de politiques de flexibilisation des rapports de travail et de blocage des salaires.
Or, depuis 2010, les programmes patronaux et gouvernementaux convergent à nouveau fortement, au sein de l’Union européenne, pour promouvoir une nouvelle vague de politiques d’austérité, manifestement plus profonde et plus radicale, se traduisant principalement par un double mouvement : d’une part, une réduction drastique des dépenses publiques, ciblée principalement sur les salaires et les frais de fonctionnement dans les administrations publiques (à tous les échelons : du niveau européen au niveau communal) et les services publics ; d’autre part, une régression des principaux droits salariaux pour les travailleurs du secteur privé (salaire direct, allocation de chômage, indemnités de licenciement, conditions d’octroi de la pension, etc.). Cette évolution a pesé sur le rapport de force au niveau interprofessionnel entre organisations syndicales et patronales, nous allons y revenir.
Les années 2010 à 2012 ont été marquées de manière spectaculaire par une mobilisation syndicale importante un peu partout dans l’Union européenne (UE), et la Belgique n’a pas échappé à ce phénomène. Ces actions avaient pour objectif de refuser que soient reportées sur le monde du travail les conséquences de la crise financière déclenchée en 2008 et le poids des dettes publiques fortement aggravées par l’aide colossale déployée pour sauver le système bancaire d’un effondrement majeur.
Cependant, ces mobilisations n’ont pu faire fléchir la politique d’austérité planifiée à l’échelon de l’UE. L’année 2013 semble dès lors traduire une exaspération générale des salariés belges face à un présent fait de blocage des salaires, de délocalisations des activités (notamment vers les pays d’Europe de l’Est, dans le secteur routier par exemple), de compressions du personnel, d’augmentation des horaires et des heures supplémentaires, d’inadéquation des équipements de travail, d’intensification de l’activité et de généralisation des procédures d’évaluation du travail. Et ce, alors que le futur, tel que présenté et préparé par les principaux responsables politiques belges et européens, ne semble pas nécessairement porteur de plus d’espoir pour le monde du travail sur le plan économique.
À cela s’ajoute le fait que les ripostes syndicales à l’échelon interprofessionnel semblent s’être essoufflées, comme si s’installait une certaine lassitude de répéter que « nous ne paierons pas la crise » alors que de facto les salariés la paient durement. On peut se demander si cette moindre mobilisation syndicale interprofessionnelle ne découle pas d’un effet de décompression après une année 2012 dédiée aux élections sociales. Certains travailleurs et cadres syndicaux s’interrogent même sur la capacité des directions syndicales à s’opposer frontalement au patronat et, plus encore, aux partis politiques de gouvernement dont elles sont réputées proches, voire sur leur volonté à s’y opposer.
Dans ce contexte général où la récession économique semble être alimentée par une austérité censée produire l’effet inverse, le taux belge de chômage progresse d’année en année – 7,2 % en 2011, 7,6 % en 2012, 8,5 % en 2013 [6] – malgré les réformes successives de l’assurance chômage, dont l’un des effets est de réduire le nombre des travailleurs ayant droit à une indemnité.
Autre signe des difficultés actuelles, le bureau d’informations commerciales Graydon a fait savoir que, en 2013, le nombre d’entreprises belges en faillite a dépassé celui de 2012, qui constituait déjà un record. Les 12 306 faillites enregistrées en 2013 (contre 11 052 en 2012, soit une hausse de 11 %) représenteraient la perte de 27 912 emplois (soit + 5,6 %). Le secteur de l’horeca est le plus touché, suivi par celui de la construction, celui du commerce de détail et celui du transport.
Ces pertes d’emploi sont à ajouter à celles, davantage répercutées par les médias, dues aux restructurations d’entreprises. Deux cas de restructuration ont particulièrement marqué cette année 2013, en raison de l’ampleur de leur effet sur l’emploi au sein de ces collectifs de travail. Ainsi, l’année a commencé très durement pour les sidérurgistes du bassin liégeois. Lors d’un conseil d’entreprise extraordinaire organisé le 24 janvier 2013, la direction d’ArcelorMittal a annoncé l’arrêt définitif de plusieurs outils de la sidérurgie liégeoise, avec à la clé la perte de 1 300 emplois. Un mois plus tard, le 28 février, la direction de Caterpillar a fait part de son intention de supprimer 1 400 emplois sur les 3 700 du site de Gosselies. À la différence de ce que redoutaient les métallurgistes liégeois, leurs collègues carolorégiens ne s’étaient pas attendus à une restructuration d’une telle ampleur.
En outre, le début d’année s’est avéré douloureux aussi pour les travailleurs du secteur bancaire. La direction d’ING a annoncé, le 13 février 2013, la suppression de 1 000 emplois en Belgique. Le 25 mars 2013, celle de BNP Paribas Fortis a dévoilé un plan stratégique planifiant la suppression de 1 800 emplois en 3 ans. Dans ce secteur, Belfius avait déjà annoncé une perte de 920 postes en 2012 et KBC en avait licencié 265 [7].
Si, comme nous le verrons, l’intervention des organisations syndicales a permis dans la plupart des cas d’adoucir ou d’atténuer les restructurations prévues, il n’empêche que ces effets d’annonce, largement relayés par les médias, ont contribué à entretenir un climat global anxiogène et de désespérance au sein d’un collectif salarial de plus en plus stressé.
Le caractère tragique de ces restructurations a été renforcé par le suicide, le 15 octobre 2013, d’un ouvrier liégeois d’ArcelorMittal, Alain Vigneron. Dans sa lettre d’adieu, celui-ci a tenu à exprimer la violence sociale que représentent les fermetures telles que celle subie à Liège et le désespoir causé par la stratégie de directions de multinationales et d’actionnaires qui s’encombrent peu du choc social que causent de telles opérations pour les travailleurs concernés, leurs proches et la dynamique économique de toute une région.
Le contexte global de la conflictualité sociale a enfin été marqué en 2013 par l’opposition d’une partie du monde syndical, de différentes associations et de formations politiques non représentées dans les assemblées parlementaires à la ratification par la Belgique du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG, parfois appelé pacte budgétaire européen). Ce traité s’inscrit dans le renforcement de la gouvernance économique de l’UE [8], dont il durcit les règles en prévoyant la réduction significative des déficits publics par la restriction des dépenses. De la sorte, la marge de manœuvre des États et de leurs composantes (entités fédérées ou pouvoirs locaux, par exemple) en matière d’investissement se trouve fortement réduite.
La ratification d’un tel traité s’avère complexe en Belgique, étant donné qu’elle est soumise à l’approbation de l’ensemble des assemblées législatives du pays, soit le Parlement fédéral et les assemblées des entités fédérées, ce qui nécessite pas moins de neuf votes. Le processus de ratification du TSCG a été entamé en 2012, avec une approbation à l’unanimité par le Parlement flamand, le 19 décembre, sans aucune protestation syndicale. L’année 2013 a vu défiler le traité dans les autres assemblées avec, en final pour 2013, le vote du Parlement de la Communauté française le 21 décembre (à la fin de l’année, il ne manquait que le vote du Parlement de la Communauté germanophone). Ces votes engagent la Belgique dans le respect du traité, par ailleurs déjà entré en vigueur dans les premiers États signataires à partir du 1er janvier 2013.
Après le vote au Parlement fédéral, la FGTB et la CSC wallonnes ont mobilisé des militants au moment de la plupart des votes intervenant dans les autres assemblées.
Il s’agissait pour elles de protester contre la pérennisation de l’austérité et d’appeler les parlementaires à ne pas ratifier ce traité. La FGTB wallonne a organisé une manifestation spécifique contre le TSCG, le 29 mai, devant le Parlement wallon à Namur. En outre, la plupart des sections de la Centrale générale des services publics (CGSP, affiliée à la FGTB) et du Syndicat libre de la fonction publique (SLFP, affilié à la CGSLB) ont organisé une grève le 24 juin contre l’austérité et le TSCG.
Cependant, comme l’avait déjà démontré l’action syndicale européenne du 14 novembre 2012 [9], le dossier de l’Union européenne est un dossier qui a tendance à cliver le monde syndical belge entre francophones et néerlandophones au sein des deux plus grandes confédérations du pays. L’attitude globalement pro-européenne des partis politiques belges représentés dans les assemblées parlementaires ainsi que la discipline de parti et la solidarité gouvernementale expliquent que les opposants syndicaux n’ont pu convaincre que fort peu de députés progressistes de voter contre ce texte. En outre, la mobilisation syndicale sur ce dossier n’a pas été nationale, mais essentiellement wallonne, alors que, pourtant, la Confédération européenne des syndicats (CES, qui regroupe l’essentiel des grandes confédérations syndicales nationales en Europe, dont les trois syndicats interprofessionnels belges) avait elle-même rejeté ce traité dès janvier 2012.
Avant même la rédaction du TSCG, la Belgique a été soumise par l’UE à une procédure de déficit excessif dès 2009, étant donné que le niveau de sa dette publique et celui de son déficit budgétaire annuel dépassent largement les critères de convergence de l’Union économique et monétaire, fixés respectivement à 60 % et à 3 % du PIB.
Les nouvelles procédures de gouvernance économique donnent désormais davantage de pouvoir à la Commission européenne pour forcer les États à s’engager dans des réformes structurelles massives et rapides pour remplir ce qui sont devenus des « engagements stricts de discipline budgétaire ». C’est ce qui explique que, à peine formé en 2011, le gouvernement Di Rupo (PS/CD&V/MR/SP.A/Open VLD/CDH) a dû procéder à une compression des dépenses publiques.
Vu les écarts manifestes entre les normes européennes et la réalité budgétaire belge, la forte pression exercée par l’UE se renouvelle chaque année sur la Belgique et a été particulièrement vive en 2013, la Commission européenne annonçant le 29 mai 2013 qu’elle allait recommander « que le Conseil constate que la Belgique n’a engagé aucune action suivie d’effets pour mettre un terme à sa situation de déficit excessif et mette ce pays en demeure de prendre des mesures pour corriger ce déficit » [10].
Le gouvernement s’est alors engagé dans une épreuve de force pour aboutir à la fin de 2013 à satisfaire la double demande européenne sur le plan budgétaire de faire repasser la dette publique en dessous des 100 % du PIB et le déficit public sous 3 % : le déficit public a ainsi été ramené de 4 % en 2012 à 2,7 % en 2013, tandis que la dette est redescendue à 99,7 % du PIB [11].
Pour ce faire, un premier volume d’économies de l’ordre de 1,434 milliard d’euros a été dégagé en 2013, complété de 750 millions d’euros supplémentaires comme ajustement lié à la pression européenne de la fin mai. Ces économies ont pour l’essentiel été liées à des restrictions de dépenses dans l’ensemble des départements administratifs des différents pouvoirs publics belges, tant fédéraux que communautaires, régionaux et locaux.
Nombre des conflits sociaux qu’a connus la Belgique en 2013 au niveau de la fonction publique et concernant le dossier de l’AIP sont dès lors à examiner à travers la loupe des pressions découlant de ces exigences européennes de mise en conformité des politiques nationales avec les recommandations du Conseil, renouvelées chaque année.
À côté de ces exigences budgétaires, l’Union européenne a aussi exigé de la Belgique qu’elle prête attention à sa compétitivité en agissant sur les salaires, y compris en opérant une réforme complète du mécanisme d’indexation salariale [12]. Le salaire est devenu un des indicateurs macro-économiques-clés à surveiller depuis l’instauration de la nouvelle gouvernance économique européenne, bien que ce domaine soit paradoxalement hors de la compétence de l’Union européenne d’après son traité. C’est avec cette épée de Damoclès que se sont ouvertes, à l’automne 2012, les négociations au sein du Groupe des Dix en vue de tenter de conclure un AIP pour la période 2013-2014.
La conflictualité sociale survenue au niveau interprofessionnel en 2013 constitue le premier chapitre de cette étude. Bernard Conter, Vaïa Demertzis et Esteban Martinez y passent en revue un agenda de travail qui se concentre sur les six premiers mois de l’année. Le programme de cette concertation est dense, chargé et fortement contraint par les demandes européennes. À la négociation classique de ce qui constitue le cœur d’un AIP, c’est-à-dire la fixation de la marge d’augmentation salariale sur laquelle les interlocuteurs interprofessionnels doivent s’entendre pour les deux ans que dure l’accord, viennent s’ajouter des dossiers complémentaires comme celui de la liaison des allocations sociales au bien-être, un dossier nouveau comme celui de la demande gouvernementale de « moderniser le marché du travail » en accroissant encore la flexibilité, ou l’épineux dossier de l’harmonisation entre les statuts d’ouvrier et d’employé. La négociation sur l’AIP fait très vite long feu, étant donné que le gouvernement s’est clairement prononcé, en novembre 2012, en faveur d’un gel des salaires en dehors de leur liaison à l’indexation et à l’évolution barémique afin de réduire l’écart salarial constaté entre les salaires belges et ceux des pays voisins.
Dès la mi-janvier, il apparaît aux yeux des organisations syndicales qu’aucune modification de cette ligne ne sera possible. Malgré certains préaccords sur d’autres dossiers fin janvier, la conflictualité sociale s’engage, en ordre cependant dispersé. Finalement, des accords se scellent en mars, qui s’inscrivent dans la ligne devenue classique depuis plusieurs décennies : les syndicats obtiennent un minimum d’avantages pour améliorer le sort des salariés et des allocataires sociaux les plus fragiles, tandis que le monde patronal sort fortifié du processus sur un plan global, avec la reconduction devenue systématique de baisses de cotisations sociales et l’obtention de diverses mesures de flexibilité. Dans le dossier de l’harmonisation des statuts, qui a aussi engendré un certain nombre d’actions syndicales, le gouvernement impose le 5 juillet 2013 une solution dite de compromis, qui n’est cependant pas soumise à l’approbation des interlocuteurs sociaux. Globalement, la situation des ouvriers est améliorée, avec toutefois certaines exceptions, au détriment de celle des employés et aux frais, pour partie, de la sécurité sociale.
Dans le secteur privé, l’année 2013 est marquée par la conflictualité sociale liée à deux annonces majeures de pertes d’emploi, toutes deux dans le secteur du métal. Bruno Bauraind et Aline Bingen examinent le contexte dans lequel intervient la restructuration de Caterpillar, à Gosselies. Leur analyse met en avant l’impact d’un plan de licenciement aussi large sur l’un des derniers grands bastions wallons de l’action syndicale, et détaille la stratégie poursuivie par les syndicats pour tenter de modifier le cours du plan prévu par la direction de la multinationale.
Ensuite, Bruno Bauraind et Jean Vandewattyne procèdent de même au sujet d’ArcelorMittal, soulignant la volonté d’une partie des acteurs syndicaux de relancer l’activité du bassin liégeois malgré la volonté de plus en plus clairement affichée du numéro un mondial de la production d’acier de mettre un terme à son activité dans la région.
Dans le chapitre suivant, Jean Vandewattyne et Jan Buelens s’intéressent à la conflictualité sociale dans le secteur aérien belge. L’année 2013 est marquée dans ce domaine par un conflit dur opposant les bagagistes à leur direction sur le site de Brussels Airport. Ce conflit provoquant une paralysie partielle de l’aéroport, l’autorité publique annonce, par la voix du secrétaire d’État compétent, son intention de réquisitionner du matériel et du personnel afin de procéder au tri et à la distribution des bagages en se substituant aux grévistes. Cette menace, finalement non concrétisée, constitue un élément majeur d’immixtion des pouvoirs publics dans la conflictualité sociale et, ipso facto, bien que le gouvernement fédéral s’en défende, une intervention de poids en défaveur des travailleurs dans le rapport de force les opposant à leur employeur. Le secteur est également marqué par une grève du zèle des contrôleurs aériens de Belgocontrol et par une grève du personnel de cabine et des pilotes de Brussels Airlines.
Le secteur des transports publics s’avère en 2013 moins sujet à des actions de grève qu’au cours des deux années précédentes. Toutefois, la conflictualité sociale n’en a pas pour autant disparu ; quelques conflits marquants touchant la SNCB et les TEC wallons en attestent, conflits que décrivent Jean Vandewattyne et Yannick Piquet. Dans
les chemins de fer, après plusieurs années marquées par des conflits à répétition, un nouveau mode de prévention des tensions sociales est mis en place, qui a permis de désamorcer certaines actions de grève. Aux TEC, en revanche, les relations entre les directions des TEC Charleroi et Liège-Verviers et les syndicats demeurent tendues et conflictuelles, comme en témoignent deux grèves menées sans préavis en fin d’année.
Dans le dernier chapitre, Vaïa Demertzis et Jean Faniel brossent le panorama d’une fonction publique en pleine effervescence à tous les étages de l’administration belge, et même européenne. La raison de cette forte agitation sociale, qui se traduit en grèves ou en manifestations, est double. D’une part, les travailleurs concernés condamnent la détérioration de leurs conditions de travail, due à un sous-financement chronique de certains secteurs ou à une nouvelle baisse des dépenses publiques dans le cadre des pratiques d’ajustement budgétaire. D’autre part, ils dénoncent, dans de nombreux cas, des décisions unilatérales visant à réformer les carrières ou à procéder à des licenciements sans concertation préalable avec les organisations syndicales, ainsi qu’un comportement général du ministre de tutelle concerné peu enclin au dialogue ou à la valorisation du travail administratif effectué au sein de ses départements (dans le cas de l’administration fédérale plus particulièrement). Le secteur de la justice a le triste privilège de cumuler l’ensemble de ces raisons, et nombre de ses secteurs, les uns après les autres, portent sur la place publique leur mal-être professionnel : que ce soit par la voix des agents pénitentiaires, qui se plaignent de subir depuis des années une situation de travail explosive et enchaînent les actions de grève, ou par des voix plus inhabituelles dans le champ de la contestation sociale, comme celles des avocats ou des magistrats.
Le 13 décembre 2013, les personnels de très nombreux secteurs de la justice se coalisent dans une action sans précédent de grève commune.
Enfin, l’analyse que livre en annexe Kurt Vandaele à partir de l’examen des statistiques de grève issues des données fournies par l’ONSS confirme l’importance de la conflictualité sociale dans le secteur du métal et dans celui des transports, qui constituent quatre des six chapitres qui composent cette livraison du Courrier hebdomadaire.