Depuis quelques mois, la crise frappe douloureusement. Elle se marque notamment par une forte montée du chômage qui pourrait se poursuivre encore tout au long de l’année 2010. Une analyse détaillée des chiffres du chômage et de l’emploi, sous l’angle de l’égalité, ne manque pas d’intérêt. Dans cet article, nous nous intéresserons plus précisément à la situation des personnes étrangères et nous essaierons de tirer quelques enseignements et pistes d’action.
Les enquêtes Eurostat proposent des informations chiffrées en distinguant pour chaque pays trois catégories de personnes : les nationaux, les ressortissants de l’UE des 27 et les ressortissants hors Union européenne. Pour ces différents groupes sont calculés le taux d’emploi [1].
Taux d’emploi (2007)
Source : Eurostat New Cronos, d’après rapport Conseil Central de l’Economie (novembre 2008)
Pour l’Europe des 15 dans son ensemble, le taux d’emploi est significativement différent pour les nationaux et pour les personnes non européennes. L’écart moyen est d’environ 10%. Mais il est frappant de constater qu’avec un taux d’emploi de 38,1% pour les personnes hors UE-27, la Belgique est le plus mauvais élève de la classe. Elle garde même cette dernière place lorsque les comparaisons sont établies avec les 26 autres membres actuels de l’Union européenne. La situation n’est guère brillante non plus chez nos proches voisins que sont l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. Mais en Belgique, elle est tout simplement désastreuse.
Lorsque le focus est braqué sur le chômage, la même situation regrettable apparaît. Toujours pour 2007, le taux de chômage des nationaux en Belgique était de 6,8 %. Pour les personnes de nationalité non européenne, il était de 29,6 %, soit un taux presque quatre fois plus important.
Pour la bonne compréhension du tableau ci-dessus, il convient de noter que les personnes naturalisées se retrouvent dans la catégorie des nationaux. Et l’insertion sur le marché du travail n’est bien sûr pas qu’un problème de nationalité. Comme nous le verrons plus loin, plusieurs études [2] montrent ainsi que les personnes naturalisées rencontrent davantage de difficultés à trouver un emploi.
Un problème de qualification ?
Les chiffres mis en avant plus haut indisposent. Et la recherche d’explications s’impose. La situation des non nationaux sur le marché de l’emploi serait-elle due à un manque de qualifications ? Là encore, l’enquête européenne apporte des éléments de réponse. Trois groupes sont distingués, respectivement les peu, les moyens et les hauts qualifiés [3]. On sait que le risque de chômage en Belgique augmente d’autant plus que le diplôme est peu élevé. Pour les peu qualifiés, le taux de chômage des Belges est d’environ 10% en 2007. Pour les étrangers (hors UE-27) peu qualifiés, le chiffre est plus du double. Et le même constat vaut pour les deux autres groupes. Le taux de chômage est d’un peu plus de 6% pour les Belges avec une qualification moyenne, mais il passe à plus de 15 % pour les étrangers. Pour les personnes hautement diplômées, les étrangers subissent un taux de chômage de 10% contre moins de 3% pour les Belges.
L’excellent dernier rapport du Conseil Central de l’Economie [4] mentionne des données construites à partir d’une étude de la Fondation Roi Baudouin et du Centre pour l’égalité des chances (2008). Cette recherche met en évidence ‘qu’avec un diplôme de l’enseignement supérieur, les Belges d’origine étrangère ont deux fois plus de probabilité de se retrouver au chômage que les Belges autochtones, les Turcs et les Marocains six fois plus et les autres étrangers hors UE quatre fois plus. Cette étude attire l’attention sur la surreprésentation des étrangers dans des sous-secteurs d’activités présentant des emplois les moins valorisés [5].’ (CCE)
Le concept d’ethno-stratification est évoqué pour décrire la situation sur le marché de l’emploi en Belgique.
Les difficultés d’insertion des personnes d’origine étrangère sur le marché de l’emploi ne sont donc pas qu’un problème de manque de qualification. Des discriminations, des questions de mentalité interviennent encore trop souvent.
Quelles réponses ?
Grâce aux efforts de sensibilisation, à l’attention portée à la question de la diversité, des progrès se dessinent timidement. Mais le chemin à parcourir est encore long et l’effort est plus que jamais à poursuivre.
Pour les organisations syndicales, il faut agir activement contre les discriminations lors de l’embauche classique, mais aussi dans d’autres situations telles que les stages, le travail en alternance, les contrats temporaires, le travail intérimaire et le travail des étudiants. Il faut stimuler la mise en place de plans d’action en faveur de la diversité. Pour ce faire, il s’agit de réaliser conjointement, à l’initiative des représentants patronaux et syndicaux, des efforts concrets pour éliminer lorsqu’elles existent les résistances de la part des travailleurs en place.
Dans les secteurs et les entreprises, des plans d’action doivent être conclus avec des objectifs chiffrés pour l’embauche de travailleurs de différents groupes cibles, dont les personnes d’origine étrangère. Les promesses sans engagement sont vaines. Des accords prévoyant un suivi, une évaluation et si nécessaire, des sanctions, sont largement préférables.
En matière de formation, une autre piste concrète est de cibler davantage les efforts en faveur des groupes dits à risque à partir de la cotisation ad hoc de 0,10%.
L’égalité a tout à y gagner.
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