Merci tout d’abord d’ouvrir cette tribune à des non spécialistes. Mon texte comprend en effet plus de questions que de réponses, plus d’interrogations que de faits et de démonstrations.
Philologue de formation, militant syndical depuis peu de temps, je suis frappé par l’obsession de l’emploi et le peu de crédit qui est proportionnellement réservé à la défense du travail dans les organisations qui défendent les travailleurs [1]
Pour ne prendre qu’un exemple : le nom qu’elles donnent aux chômeurs : des travailleurs sans emploi, qu’elles désignent ensuite comme les « militants de la dignité dans la recherche d’emploi », en donnant parfois le sentiment qu’elles veulent les réduire à cela.
Pour rappel, l’augmentation des taux d’emploi est un objectif poursuivi par la Commission européenne, la BCE, l’OCDE et les milieux financiers en général. Il a un objectif anti-inflationniste : celui de faire pression à la baisse sur les coûts salariaux. Il fait partie de tout un arsenal visant à démonter le statut des travailleurs (salaires, droit, conditions de travail).
Dans les rangs syndicaux, à la FGTB comme à la CSC, on dénonce chez les uns le capitalisme, chez les autres l’économie-casino. On tombe d’accord pour dire que la finance doit être remise au service de l’économie.
Or, l’emploi, c’est le travail salarié, c’est le travail financé, c’est-à-dire la mise au service de la finance de la force de travail des hommes ou, pour en donner une définition plus académique : l’ensemble des forces de travail effectivement employées et rémunérées dans un système économique.
N’y a-t-il pas un paradoxe flagrant à réclamer plus d’emplois d’un côté et à admettre de l’autre que nous sommes dans une économie-casino ou dans un capitalisme dont nous voulons la fin ? Est-on en pleine schizophrénie ou est-ce que quelque chose échappe à mon analyse ?
Le travail peut de toute évidence servir l’économie, l’homme et la société, qu’il soit domestique, bénévole ou salarié. Mais cela vaut quand l’économie est mise au service de l’homme et quand chaque être humain se voit garantir la possibilité d’y contribuer. L’actuelle course à l’emploi nous oblige à foncer dans un tout autre sens.
Ne s’agirait-il pas, même si l’urgence rend le combat contre ce paradoxe et cette schizophrénie actuellement difficile voire impossible, d’au moins faire le constat et de cesser de confondre « emploi » et « travail » dans une même admiration béate ?